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d’un plénipotentiaire de la diète, sur la « confusion » qui en résulterait, et cet appel direct et exclusif aux états secondaires, à la diète ; mais le plus grave sans contredit, ce fut l’arrêt prononcé sur les stipulations de 1852, qualifiées ainsi publiquement, et devant l’Allemagne, d’œuvre impuissante. La déclaration allait au-delà de ce que souhaitait probablement l’Autriche, au-delà même de ce qu’avait osé dire jusqu’à présent M. de Bismark : le trait frappait un autre encore que le foreign office ; il ne faisait que heurter lord John, il atteignait le Danemark au cœur. Cette circulaire du 4 janvier fut la dépêche de Gotha du cabinet des Tuileries pour la malheureuse monarchie Scandinave. Certes le traité de Londres était loin de constituer un chef-d’œuvre, et on n’a point manqué dans ce récit d’en relever à l’occasion tous les côtés défectueux[1] ; mais le moment était-il bien choisi par la France pour passer solennellement condamnation sur lui ? Aussi peu, oserions-nous dire, que le fut, par rapport à la Pologne, le moment où l’on déclarait que les traités de 1815 avaient cessé d’exister. Les stipulations de Vienne demeuraient en novembre 1863 le seul soutien européen pour les Polonais, comme les stipulations de Londres constituaient en janvier 1864 la plus forte position diplomatique du Danemark. L’arrêt prononcé en novembre ne put qu’être agréable au prince Gortchakov, comme le manifeste du 4 janvier dut nécessairement remplir de joie le cœur de MM. de Beust et de Pfordten. Les sourdes menées de ces derniers, les allées et venues des divers petits diplomates des états secondaires germaniques faisaient-elles réellement illusion à la France et l’amenaient-elles à croire qu’une troisième Allemagne était en train de se former, dont il importerait de se ménager l’amitié à la veille d’une conflagration générale ? Ou bien le cabinet des Tuileries ne voulait-il faire ressortir les nombreuses divergences des gouvernemens que pour mieux démontrer la nécessité d’un congrès et amener jusqu’à lord Russell à invoquer a l’idéologie » française comme le seul fil conducteur du « noir labyrinthe ? » Ou bien encore ne cherchait-on que la simple satisfaction de déchirer un traité quelconque, celui de Londres, qui était à portée, à défaut de celui de Vienne, qui persistait à ne pas vouloir disparaître ?

Le ministre britannique dut refouler dans son cœur le dépit que lui causa la circulaire française ; il eut soin seulement, à partir du 9 janvier (puisque décidément on parlait de la femme de César), de placer le « maintien du traité de Londres » à la tête des « bases de conférence » qu’il ne cessait de remanier avec MM. de

  1. Voyez la Revue du 1er avril 1865.