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ne se rencontrent que dans les cas où la folie est compliquée de troubles dans les mouvemens et dans la sensibilité, mais qu’on ne les trouve pas dans les cas de folie simple, c’est-à-dire de trouble intellectuel non compliqué.

À ces assertions, sans doute excessives, de M. Leuret, on a objecté l’insuffisance de nos moyens d’investigation. Il peut y avoir en effet des lésions qui échappent à nos sens, et nier tout ce que l’on ne voit pas serait d’un esprit bien peu scientifique. Telle était l’objection du savant et consciencieux M. Ferrus. M. Leuret répondait à cette objection avec beaucoup de bon sens. « Sans doute, disait-il, quand je ne vois aucune altération, je dois m’abstenir de conclure qu’il n’y en a pas ; mais, avec la même circonspection, je me garderai bien de conclure qu’il y en ait une. Lorsque le cerveau d’un aliéné me paraît sain, je n’affirme pas avec M. Ferrus que ce cerveau soit malade ; je reste dans le doute jusqu’à ce que la vérité me soit démontrée. Et si les cas où le cerveau me paraît sain sont précisément ceux où il y a eu un délire sans complication de symptômes physiques, un délire de l’intelligence et des passions, si les cas où le cerveau est altéré sont ceux où il y a eu paralysie, agitation, torpeur, insomnie, j’attribue ces différens accidens à la lésion du cerveau, et la cause de l’aberration mentale me reste encore inexpliquée. »

Non-seulement on ne rencontre pas toujours d’altérations organiques dans la folie, mais les altérations qu’on rencontre ne sont pas toujours les mêmes. Selon les uns, la lésion a lieu surtout dans les viscères ; aussi, selon quelques médecins allemands, la folie est-elle une affection viscérale, une irradiation morbide qui se transmet des viscères au système cérébral : telle est l’opinion de Nasse, Jacobi, Flemming. Selon d’autres, les altérations sont cérébrales, mais de toute sorte de nature. Les uns rapportent la maladie à une hyperémie ou à une hypertrophie du cerveau, les autres à une atrophie de cet organe, les autres à un œdème ; tantôt on invoque l’altération de densité, tantôt le changement de coloration. N’est-il pas étrange cependant que des phénomènes de nature si diverse soient employés à expliquer un même fait ? Aurait-on par hasard constaté quelques rapports constans entre telle altération et telle espèce de folie ? Nullement, ou du moins on ne l’a fait que pour un seul cas, le cas de la paralysie générale compliquée de folie, et ordinairement de folie ambitieuse. On aurait constaté alors un symptôme constant, à savoir l’adhésion des méninges ou membranes enveloppantes du cerveau aux circonvolutions cérébrales ; mais M. Leuret fait observer avec raison que dans ce cas, la folie étant compliquée d’une maladie évidemment organique, on n’en peut rien