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moins exagérée ; mais l’expérience de tous les jours est là pour nous montrer que la gaîté, la tristesse, l’audace, la timidité, et beaucoup d’autres affections ont une liaison étroite avec l’organisation. Enfin les changemens qui ont lieu dans nos sentimens et nos affections sous l’influence des maladies prouvent bien aussi qu’il y a là quelque chose d’organique. Or en quoi serait-il plus immoral de lier nos instincts à la prédominance de tel organe cérébral que de les subordonner à l’ascendant de telle humeur, de tel viscère, de tel système, sanguin, lymphatique ou nerveux ?

Mais, dira-t-on, si les instincts sont soumis à la prédominance de certaines parties du cerveau, si l’on naît avec la bosse du vol, de l’homicide, du libertinage, que devient le libre arbitre ? À cette objection, Gall répondait par une distinction très juste et très philosophique, par la distinction du désir et de la volonté. Il disait qu’il ne faut pas confondre les instincts avec la faculté de les gouverner, de les discipliner, de les diriger vers une fin donnée, que ce qui est lié à l’organisation ce sont les instincts, que ce qui appartient à l’âme c’est la volonté, que la volonté peut modifier les effets de l’organisme, que c’est là du reste une difficulté qui subsiste dans tous les systèmes, puisque dans tous les systèmes il faut bien accorder qu’il y a des instincts innés, quelquefois même de mauvais instincts. L’influence de l’hérédité sur les penchans est incontestable, et la religion elle-même reconnaît cette hérédité et innéité des mauvais instincts, puisque c’est principalement sur cette donnée qu’elle fonde la doctrine du péché originel. La phrénologie n’était nullement coupable en cherchant le siège organique de ces différens instincts, et elle n’était point par là plus contraire au spiritualisme que toute autre doctrine physiologique.

On aurait donc dû se dispenser de ces argumens, qui, outre leur faiblesse intrinsèque, ont un grand inconvénient : c’est que si à un jour donné la science venait à démontrer la doctrine des localisations (ce qui n’a rien d’impossible), le spiritualisme se trouverait battu par ses propres armes. J’approuve donc l’ingénieux psychologue qui, dans son livre récent sur la Phrénologie spiritualiste, soutient que la doctrine de Gall peut se concilier avec le plus pur spiritualisme. Le docteur Castle défend solidement sur ce point la doctrine de son école, souvent compromise, il faut le dire, par les imprudentes exagérations des adeptes. Cependant, si la phrénologie ne paraît pas avoir été atteinte par les objections à priori que l’on a dirigées contre elle, on peut dire qu’elle a tout à fait succombé sur le terrain des faits et de l’expérience. La physiologie et la psychologie se sont trouvées d’accord pour écarter de la science une hypothèse aussi superficielle qu’erronée. M. Adolphe Garnier, dans