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une polémique impartiale et pénétrante, a fait la part du vrai et du faux avec une justesse et une équité d’appréciation bien rares dans la controverse. Le docteur Castle n’hésite pas à lui donner raison sur les points les plus importans ; il reconnaît qu’une bonne organologie suppose préalablement une psychologie bien faite, et que la psychologie elle-même ne peut se faire sans l’observation de la conscience. C’est sur ces bases qu’il entreprend de régénérer la phrénologie. J’applaudis volontiers à son entreprise, et j’accorde qu’il y a beaucoup de bonne psychologie dans son livre. Seulement j’y cherche, je l’avoue, la phrénologie ; elle n’y est guère que pour mémoire, et cette défense sensée et honnête ressemble plutôt à une retraite honorable qu’à une apologie victorieuse.

Si faible que fût la psychologie des phrénologues, elle était encore supérieure à leur organologie. Là tout est hypothétique, chimérique, arbitraire. Mauvaise méthode, assertions erronées, preuves ridicules, tout se rencontre pour constituer une mauvaise hypothèse scientifique. Aujourd’hui que la question peut être considérée comme jugée, résumons les diverses objections devant lesquelles la phrénologie a succombé. Elles sont de deux sortes : les unes générales, les autres particulières.

La méthode des phrénologues était mauvaise. Quoi de plus grossier par exemple, de plus empirique, de moins précis que le procédé de Gall, tel qu’il nous le rapporte lui-même ? Il faisait venir des portefaix, les enivrait, afin que l’abandon du vin lui révélât leur vrai caractère ; puis il tâtait leurs bosses et cherchait des analogies et des rencontres entre le caractère qu’il avait cru découvrir et les protubérances de leurs crânes. Ou bien encore il consultait les bustes anciens, bustes toujours plus ou moins authentiques, mais qui d’ailleurs, comme on peut le présumer, n’avaient guère la prétention de reproduire tous les accidens du crâne. Il allait même jusqu’aux portraits, et on le voit citer sérieusement comme une autorité le portrait de Moïse ! Est-ce avec de pareils procédés que l’on peut fonder une science aussi délicate que celle de la physiologie de la pensée ? Plus tard, les phrénologues ont fait usage de l’anatomie comparée ; mais, si l’on en croit l’un d’entre eux, ce serait avec une grande inexpérience. Voici comment s’exprime M. Vimont. « L’ouvrage de Spurzheim, nous dit-il, contient une multitude d’erreurs extrêmement graves. Toutes les figures servant à l’explication sont imaginaires. Il est complètement dépourvu d’anatomie et de physiologie comparée. L’ouvrage de M. Combes me paraît encore au-dessous de celui de Spurzheim pour la représentation des objets. Un anatomiste un peu distingué ne peut réellement jeter les yeux sur ces figures sans éprouver un sentiment pénible, tant elles