« Quel jeu ! s’écriait Jérôme indigné ; est-ce d’un évêque ou d’un histrion ? » De guerre lasse, Archélaüs s’en alla.
Au fond, c’est ce que voulait Jean de Jérusalem. Peu soucieux d’un arbitrage laïque qui devait aboutir à une conciliation, moins empressé encore de se trouver en face d’un magistrat qui le connaissait de longue main, il avait traîné en longueur, et pendant qu’Archélaüs l’attendait à Bethléem, il sollicitait lui-même un arbitre ecclésiastique. Le juge de son choix, ce n’était certes pas son métropolitain de Césarée, il n’avait garde de s’adresser là ; il était allé prendre dans Alexandrie ce même patriarche Théophile, que Rufin proclamait son initiateur à l’origénisme, et qui avait commencé le premier dans les nômes de l’Égypte la guerre qui se poursuivait en Palestine. Jérôme sentit l’habileté perfide du coup. « Voyez, s’écriait-il, la loyauté de cet évêque, qui prend pour juge d’une querelle le même homme qui en est l’auteur ! Voyez son obéissance aux lois de l’église, lui qui, dans une question de discipline autant que de dogme, invoque un tribunal étranger ! Est-ce que Césarée n’existe plus ? Est-ce qu’elle n’est plus métropole de la Palestine ? Est-ce que l’église de Jérusalem a été transportée sous l’autorité d’Alexandrie ? » Théophile ne refusa point, malgré l’irrégularité de la demande, un arbitrage qui lui était offert au nom de la concorde. Toujours disposé à mettre un pied dans les affaires d’autrui, il acceptait avec empressement ces sortes de mission, quand il ne les briguait pas ; c’était relever encore l’importance déjà si haute de son siège que d’en faire un tribunal suprême des doctrines catholiques en Orient. Il entretenait d’ailleurs près de lui, pour cet usage, une sorte de ministre dans la personne du prêtre Isidore, son confident, sa créature, et le même qui joua plus tard un rôle honteux dans les affaires de Jean Chrysostome. Il le dépêchait en qualité de légat dans les église ? où naissaient des querelles, et comme il en naissait beaucoup, et de fort envenimées souvent, on avait surnommé Isidore l’Hippocrate des chrétiens.
Avant de partir pour la Judée, le légat s’était fait précéder de deux missives, l’une pour l’évêque Jean à Ælia, l’autre pour le prêtre Vincentius à Bethléem ; mais par la plus étrange des aventures, il se trompa d’adresse, et la lettre destinée à l’évêque fut remise par le porteur à Vincentius. La lecture de ce message remplit de stupeur les moines de Bethléem, et il n’y avait pas à se méprendre, la lettre était écrite en entier de la main d’Isidore. Jérôme y était traité du ton le plus méprisant : on ne daignait pas même lui conserver sa qualification de prêtre. Il en fut grandement offensé. « Cet Hippocrate, dit-il avec colère, commence donc par moi ses opérations chirurgicales ! Le voilà qui me charpente sans emplâtre ni