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l’organe de l’instinct de propagation. Il est inutile d’insister sur les faits qui ont renversé cette doctrine ; mais il n’y en a pas de mieux réfutée[1]. L’organe de l’amour des enfans ou philogéniture, placé par Gall à l’extrémité postérieure des hémisphères cérébraux, formait, suivant lui, une saillie très frappante chez les femmes et chez les femelles des animaux. M. Lélut a trouvé cette saillie sur un grand nombre de crânes de voleurs, et parmi les animaux indifféremment chez le mâle et la femelle. On sait que l’on a trouvé l’organe du meurtre chez le mouton. Broussais a essayé de justifier la doctrine de Gall sur ce point, et soutient que la destruction des végétaux peut très bien être assimilée à celle des animaux : il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’organe de la destruction puisse se rencontrer chez le mouton aussi bien que chez le chien ; mais Gall avait établi précisément cet organe sur la comparaison des carnivores et des frugivores. « Il existe, disait-il, chez les carnassiers des parties cérébrales dont les frugivores sont privés. » D’ailleurs aucune localisation n’a été mieux réfutée que celle de l’organe du meurtre. M. Lélut, qui a eu entre les mains un très grand nombre de crânes d’assassins, n’y a jamais rien trouvé d’exceptionnel. Le célèbre Fieschi n’avait pas non plus l’organe de la destruction. L’organe de la vénération encore est très remarquable chez le mouton. Broussais explique ce singulier fait par la docilité du mouton à se soumettre au chien ; mais il se trouve que le même organe se rencontre chez le loup, le tigre et le lion. L’organe de la musique est beaucoup plus développé chez l’âne, le loup et le mouton que chez l’alouette, le pinson et le rossignol. Enfin l’organe de la propriété, très saillant, suivant Gall, chez les voleurs opiniâtres et chez les idiots enclins à voler, ne se trouve, selon M. Lélut, ni chez les uns ni chez les autres.

Ces faits, qu’il est inutile de multiplier, suffisent pour établir que l’hypothèse phrénologique n’avait aucun fondement sérieux dans l’expérience, et qu’elle n’était qu’une œuvre d’imagination, ou tout au moins une conjecture prématurée. Cependant il serait imprudent de dire que le principe des localisations cérébrales est entièrement et définitivement réfuté. Les expériences mêmes de M. Flourens ne peuvent pas aller jusque-là, car il est bien difficile de savoir au juste ce qui se passe dans une tête de poule ou de pigeon, et affirmer que les facultés disparaissent ou reparaissent toutes à la fois dépasse peut-être ce que notre science sait de la psychologie des poules. De plus, sans méconnaître l’abus que l’on

  1. Sur ces toits et tous ceux que je cite plus loin, on peut consulter : Rejet de l’organologie, par le docteur Lélut, De la Phrénologie, par M. Flourens, le premier volume de M. Louret, Anatomie comparée, etc.