Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut faire des raisons à priori, il est difficile cependant de ne pas être frappé des paroles suivantes de M. Broca : « je ne puis admettre, dit-il, que la complication des hémisphères cérébraux soit un simple jeu de la nature, que la scissure de Sylvius ait été faite uniquement pour donner passage à une artère, que la fixité du sillon de Rolando soit un pur effet du hasard, et que les lobes occipitaux aient été séparés des lobes temporaux et pariétaires à cette seule fin d’embarrasser les anatomistes. On trouve par l’embryogénie que les cinq lobes de chaque hémisphère (le frontal, le pariétal, le temporal, l’occipital, l’insula) sont des organes distincts et indépendans. Or je ne puis me défendre de croire que des organes distincts ont des fonctions distinctes[1]. »

Indépendamment de ces raisons à priori, il est déjà certain aujourd’hui que l’encéphale au moins, sinon le cerveau, est un organe complexe dont les diverses parties ont chacune son rôle, quoique rien ne soit plus difficile à déterminer par l’expérience. C’est ainsi que la moelle allongée paraît être le principe des mouvemens de la respiration. Le cervelet, suivant M. Flourens, serait l’organe de l’équilibre, de l’harmonie, de la coordination des mouvemens, et cette doctrine, quoique contestée, paraît de plus en plus autorisée dans la science. Les tubercules quadrijumeaux ont une grande importance dans la vision, et l’ablation de ces tubercules entraîne la cécité. Les lobes olfactifs, qui manquent chez l’homme, mais qui existent chez les animaux, sont liés au sens de l’odorat. Enfin les hémisphères cérébraux eux-mêmes sont considérés encore, nous l’avons vu, par certains médecins comme des organes complexes ; on y distingue la substance grise de la substance blanche, et c’est dans la première, qui forme l’écorce du cerveau, que MM. Parchappe, Foville, Broca, placent le siège de la pensée. À l’heure qu’il est même, on discute avec ardeur dans le camp médical la localisation de la faculté du langage dans les lobes antérieurs du cerveau, et certains faits pathologiques, constatés par MM. Bouillaud, Broca et autres, semblent autoriser cette hypothèse, très contestée, il est vrai, par d’autres observateurs[2]. Enfin Gratiolet lui-même, tout opposé qu’il est à la théorie des localisations, admet

  1. Bulletin de la société anthropologique, t. II, page 105. On objectera sans doute que M. Broca fait usage ici du principe des causes finales, dont certains savans ont une sainte horreur ; mais il est facile, dans la phrase que nous citons, de remplacer les mots de fin et de but par les mots de résultat et d’effet, de manière, a ce que l’orthodoxie scientifique ne soit pas blessée.
  2. Sur cette question curieuse de l’aphasie, alalie, aphémie (perte de la faculté du langage sans perte d’intelligence), on peut consulter Trousseau, Clinique médicale, t. II, deuxième édition, Bulletin de la Société d’anthropologie, 1862, Bulletins de l’Académie de médecine, mai et juin 1865.