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quer, professer leur religion dans plusieurs villes des deux empires, d’où ils s’étaient vus si longtemps repoussés comme des étrangers et même comme des barbares. L’élan est donné : les progrès accomplis sont déjà très considérables, et l’on ne doit y voir pourtant que le commencement de l’œuvre que la civilisation européenne poursuit dans ces régions éloignées de l’Asie.

Cette œuvre occupe un rang élevé, peut-être même le premier rang, parmi les entreprises de notre génération. Quelle que soit la gravité des questions politiques et religieuses qui remuent l’Europe contemporaine, ces questions, il est permis de le dire, ne sont pas nouvelles. Elles se rattachent à de vieux problèmes que le passé nous a transmis et que nous léguerons sans doute à l’avenir. Luttes d’équilibre, guerres de nationalités, conflits entre le temporel et le spirituel, tout cela est né avant nous et nous survivra. Pour ce qui est de l’Europe, ce sont toujours les mêmes drames qui se jouent sur un ancien théâtre par les mêmes acteurs, avec les mêmes passions, dans le même langage, drames interminables dont on attend vainement le dernier acte et sur lesquels il semble que le rideau ne tombera jamais. Il en est autrement du spectacle que nous présente l’Asie. La toile se lève à peine sur cette scène éloignée dont notre génération aura été la première à étudier les vastes et mystérieuses perspectives. Dès que nous y sommes apparus, nous avons observé des gouvernemens et des peuples bien différens de ceux avec lesquels nous nous étions jusque-là trouvés en rapport. Plus d’une fois déjà nous les avons combattus, et nous avons traité avec eux. Dans le combat, ils nous ont opposé une manière, nous n’oserions dire une tactique nouvelle, dans les négociations une diplomatie tout à fait originale ; ennemis ou alliés, ils ont pour nous le charme de l’imprévu, et sur le lointain théâtre où nous sommes allés les chercher, nous marchons de surprises en surprises. Cela seul suffirait pour attirer de ce côté nos regards fatigués des mirages politiques de la vieille Europe ; mais indépendamment de cet attrait particulier il y a dans l’étude des affaires de l’extrême Orient l’espérance d’une conclusion. Si vaste qu’elle paraisse, l’œuvre est simple. Il s’agit d’ouvrir à l’activité européenne la portion la ; plus populeuse et la plus riche de l’Asie, de pénétrer au sein de la Chine et du Japon, d’établir entre l’antique civilisation de ces deux contrées et la nôtre des relations politiques et commerciales dont l’une et l’autre sont appelées à retirer de grands avantages. Avec l’esprit de suite, avec la force, avec l’incontestable supériorité que nous donnent la science et l’industrie, nous sommes assurés que tôt ou tard nous atteindrons le but. C’est une entreprise purement matérielle’ dont les progrès peuvent se mesurer jour par jour. Elle exi-