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les blue-books distribués au parlement anglais, les relations émanées des ministères de la guerre et de la marine, les extraits de la correspondance diplomatique de M. le baron Gros, et enfin plusieurs récits qui, pour n’être point revêtus de la marque officielle, n’en sont pas moins exacts et instructifs. Parmi ces derniers, il est juste de mentionner particulièrement les Mémoires sur la Chine publiés par M. le comte d’Escayrac de Lauture, dont le nom rappelle l’incident le plus dramatique de la guerre de 1860. A l’aide de ces documens, nous pouvons espérer de reproduire avec exactitude la physionomie et les détails d’une expédition qui laissera dans l’histoire de notre siècle un souvenir ineffaçable.


I

Les ratifications des traités conclus à Tien-tsin les 26 et 27 juin 1858 devaient être échangées à Pékin dans le délai d’un an. Les ministres de France et d’Angleterre, MM. de Bourboulon et Bruce, étaient chargés par leurs gouvernemens d’accomplir cette formalité. Arrivés à Shang-haï, ils eurent avis que l’on exécutait de grands travaux de défense aux forts de Takou, qui couvraient l’entrée du fleuve Peï-ho et la route de Pékin. Ils reçurent des commissaires impériaux qui les attendaient à Shang-haï les invitations les plus pressantes, d’abord pour reviser diverses clauses des traités, puis pour échanger les ratifications dans cette ville plutôt que dans la capitale, et enfin pour aller à Pékin par la voie de terre plutôt que par mer. S’en tenant à la lettre et à l’esprit des traités, ils repoussèrent toutes ces propositions, refusèrent même de conférer à Shang-haï avec les commissaires impériaux, et, pour ne point laisser expirer le terme assigné à l’échange des ratifications, ils résolurent de se diriger sans retard vers le nord. L’escadre française étant occupée en Cochinchine, un seul bâtiment, le Duchayla, se trouvait à la disposition de M. de Bourboulon ; mais la division anglaise, commandée par le contre-amiral Hope, demeurait libre, et il fuit convenu qu’elle accompagnerait les deux ministres à l’embouchure du Peï-ho pour leur prêter au besoin main-forte. Les avis reçus de la capitale, l’attitude des commissaires impériaux, les efforts tentés à la dernière heure pour modifier les traités et en particulier pour empêcher les ministres étrangers de se rendre à Pékin, tous ces symptômes permettaient de concevoir des doutes sérieux sur la loyauté des Chinois.

Ces doutes se changèrent bientôt en certitude. Arrivés le 20 juin 1859 à l’embouchure du Pei-ho, MM. Bruce et de Bourboulon n’y trouvèrent aucun mandarin pour les recevoir ; ils virent que l’entrée