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telligentes et expérimentées sont chargées de parcourir méthodiquement. Les résultats obtenus sont envoyés à Washington, au bureau du recensement, et là on les met en ordre, on les classe par tableaux, puis, dès que ce long dépouillement est achevé, on les publie en plusieurs volumes in-folio. Dans les premières périodes, les officiers du recensement se bornaient à recueillir les faits relatifs à la population, et ce n’est qu’en 1840 que l’on s’occupa pour la première fois de la statistique comparée des propriétés et des produits. Depuis cette époque, deux autres rapports officiels, ceux de 1850 et de 1860, contenant cet ensemble complet de renseignemens, ont été préparés par les soins du bureau central[1]. Quant à la valeur et à l’accroissement de la richesse et des produits de la république américaine antérieurement au premier grand recensement de 1840, il est impossible de les connaître avec une entière exactitude : c’est uniquement par la discussion des divers élémens de comparaison que l’on peut établir d’une manière approximative la statistique de chaque période décennale. C’est ainsi qu’on est obligé de procéder en France, en Angleterre et dans tous les pays du monde où ces évaluations complètes de la fortune et des revenus publics ne sont pas faites officiellement à intervalles réguliers.

Toutefois il est bon de dire, relativement aux estimations des propriétés et des produits faites aux États-Unis par des employés du recensement, que tous les statisticiens et les économistes les considèrent comme étant de beaucoup inférieures à la valeur réelle. En effet, les propriétés immobilières servant de base à la répartition de l’impôt, l’habitude constante est de les évaluer seulement aux deux tiers de leur prix vénal, et quant aux propriétés mobilières et personnelles, il est souvent très facile d’en cacher l’existence et d’échapper ainsi à la taxation[2]. Dans un écrit récemment publié, le professeur Wells a prouvé par une savante discussion de la richesse totale de deux localités prises au hasard dans l’état de New-York, une grande cité et une ville rurale, que les estimations du recensement sont dans un cas inférieures de moitié, dans l’autre de plus des trois quarts, aux valeurs réelles.

Le chiffre et l’accroissement de la population étant l’élément le plus intéressant pour la connaissance des forces productives d’un pays, il importe de donner une idée des merveilleux progrès des États-Unis sous ce rap-

  1. Le recensement de 1860 n’a pas encore été publié en entier ; mais un résumé des principaux résultats est depuis quelque temps déjà dans les mains du public.
  2. Prenons un exemple. On est tenu de déclarer les valeurs de banque seulement lorsqu’elles se trouvent dans les établissemens financiers de l’état où s’opère le recensement. Il en résulte que tout riche capitaliste dont les fonds sont placés en dehors des limites de l’état où il réside est dispensé de déclarer un centime de sa fortune. Ce moyen d’échapper légalement à l’impôt est appliqué sur une très grande échelle. Dans les banques de New-York, une proportion considérable des capitaux appartient à des spéculateurs de la Nouvelle-Angleterre ; de même un grand nombre des négocians de New-York ont leurs fonds à Boston, à Providence et autres villes situées dans les états voisins.