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rées données publiquement par le ministre de l’intérieur aux préfets à propos des prochaines élections municipales montrent que le gouvernement commence à comprendre cette vérité, dont le public s’est d’ailleurs préoccupé avant lui. Nous verrons si l’action des préfets répondra au ton de la circulaire. En tout cas, il est évident que les électeurs commencent à se sentir hors de page ; l’expérience des élections municipales qui vont avoir lieu sera un exercice et une école qui profiteront infailliblement à l’éducation publique et aux progrès d’indépendance que mettront en lumière les élections générales quand le moment d’y recourir sera venu.

La session anglaise s’est terminée au commencement du mois ; la clôture a été suivie immédiatement de la dissolution de la chambre des communes, arrivée au terme de son mandat, et des élections. Un triste et dramatique épisode a marqué les derniers jours de la session. Nous voulons parler du vote indirect de censure de la chambre des communes qui a obligé le chancelier, lord Westbury, à se démettre de ses fonctions. Ce vote, les débats qui l’ont précédé, les faits qui l’ont motivé, forment une page instructive de l’histoire des mœurs politiques de l’Angleterre, Le chancelier a été blâmé pour l’emploi qu’il a fait de son patronage. On sait qu’en Angleterre les fonctions publiques qui sont à la nomination des ministres sont relativement peu nombreuses, dotées en général de salaires importans, et qu’une grande latitude est laissée au pouvoir ministériel pour la fixation de l’époque des mises à la retraite et des pensions. Le membre du cabinet qui a le plus grand patronage, c’est-à-dire qui a le plus grand nombre de places à sa nomination, est le lord-chancelier ; le patronage du lord chancelier s’étend sur une certaine quantité de bénéfices ecclésiastiques et sur les fonctions de l’ordre judiciaire. Autrefois on trouvait tout naturel en Angleterre que les lords-chanceliers fissent tourner à l’avantage de l’établissement de leurs propres familles le grand patronage dont ils disposaient. Les chanceliers sont la classe d’hommes qui recrutent de parvenus l’aristocratie anglaise. Le chancelier est sorti du barreau, il s’est élevé par son talent et son travail au premier rang de sa profession ; il a été solicitor-general, attorney-general, et en prenant les sceaux il entre dans la chambre des lords et fonde une nouvelle maison patricienne. Autrefois, pour doter ses fils cadets et ses parens, entraînés à sa suite dans l’orbite aristocratique, le chancelier avait comme un apanage de sinécures à titres gothiques. Lord Brougham, en arrivant au pouvoir après l’acte de réforme, supprima ces sinécures fantastiques, patrimoine abusif des familles de chanceliers, et qui rapportaient des émolumens dont le total s’élevait à 20,000 livres sterling par an. Il a existé aussi en Angleterre de singulières pratiques dans la manutention des deniers publics. Jusqu’à la fin du XVIIIe par exemple, les trésoriers de la guerre et de la marine avaient le maniement direct des fonds de leurs départemens, et trouvaient dans la façon dont ils les faisaient valoir une source de bénéfices énormes. On voyait alors des