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hommes politiques d’une grande influence préférer le poste de paymaster general aux premières places du cabinet. La fortune de quelques-unes des grandes familles du peerage anglais, n’a pas une autre origine. Ces vieux abus traditionnels, qui offenseraient justement aujourd’hui la conscience anglaise, ont peu à peu disparu sous l’influence de l’esprit honnête et réformateur de notre siècle. Il en est resté quelques vestiges à l’insu de tout le monde. Ainsi, dans l’affaire de l’Edmund’s scandal, on vient de voir qu’un agent comptable, sous la dépendance des lords-chanceliers, a pu, durant plusieurs années, garder par devers lui et détourner des sommes qui appartenaient à l’état. Le malheur de lord Westbury, c’est que la révélation d’une partie de ces malversations qui dataient de plus loin se soit faite sous son administration, et que, par un laisser-aller regrettable, mais qui n’était peut-être pas sans précédens, tout en imposant leur démission aux coupables, il les ait laissés partir avec des pensions de retraite. Son grand malheur surtout est que le nom de l’aîné de ses fils, ruiné par des paris de course, ait été mêlé à ces tristes intrigues de places retirées aux uns pour être données à d’autres. Personne n’a cru que lord Westbury ait eu connaissance du rôle joué par son fils dans ce marchandage de fonctions publiques ; cependant le spectacle de la tragédie domestique qui se passait dans la famille du lord-chancelier n’a point désarmé les hostilités politiques et l’honnête susceptibilité de l’opinion publique ; on n’a point épargné le magistrat dans le père soumis à la plus douloureuses des épreuves. Le scandale avait éclaté d’une façon retentissante ; il fallait pour le réparer le sacrifice de celui qui l’avait laissé commettre par omission ou négligence. Lord Palmerston a soutenu le chancelier avec cette vaillance opiniâtre qu’il a toujours déployée dans la défense de ses amis ; le secours de l’homme le plus populaire d’Angleterre n’a pu néanmoins sauver lord Westbury. Cette catastrophe d’une grande carrière mettra fin sans doute à des abus qui avaient échappé jusqu’à présent aux investigations de l’esprit de réforme ; mais, plutôt que de laisser ainsi exposées à des responsabilités cruelles la conscience et la réputation de personnages si considérables, les Anglais ne feraient-ils pas mieux de régler et de contrôler l’exercice du patronage ? C’est un des points sur lesquels ils pourraient demander à la France d’utiles exemples. Pourquoi, comme nous, ne mettraient-ils pas, suivant les circonstances, certaines conditions à l’investiture des fonctions ? Pourquoi n’imposeraient-ils pas des règles générales à l’avancement et à la détermination des pensions de retraite ?

La chute de lord Westbury a donc attristé la fin de la session anglaise ; mais les Anglais ne sont pas tendres. Voilà un homme à la mer ; on n’y songe plus dans l’excitation joyeuse du mouvement électoral. On peut dire que lord Palmerston, dans son adresse aux électeurs et dans les familiarités enjouées dont il a régalé, avec sa verve infatigable, les ladies et les gentlemen de Tiverton, a exprimé d’une façon très juste le sentiment au milieu duquel s’accomplissent les élections anglaises. Ce sentiment est ce-