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mentaire à réclamer pour les frais de la nouvelle guerre qu’à l’occupation des points qui devaient demeurer en la possession des alliés jusqu’au paiement intégral des indemnités. Enfin ils désiraient que Tien-tsin, dont l’importance commerciale était très grande, fût compris parmi les ports ouverts aux négocians européens. Il répondirent donc à Kouei-liang (28 et 29 août) en précisant dans les termes les plus nets les conditions auxquelles ils consentiraient à traiter avec le nouveau plénipotentiaire. Quant au chiffre des indemnités, le baron Gros exigea que la Chine payât à la France 60 millions de francs, au lieu des 30 millions stipulés dans la convention de Tien-tsin, et lord Elgin demanda de même 60 millions, soit 15 millions de plus que le chiffre obtenu par l’Angleterre en 1858. Les ambassadeurs déclarèrent, en terminant leurs dépêches, que l’état de guerre n’était point encore suspendu, et que les généraux alliés poursuivraient leurs opérations jusqu’à ce que l’on fût complètement d’accord. Pour être sûr que le gouvernement chinois serait exactement tenu au courant des demandes présentées en dernier lieu, le baron Gros eut le soin d’adresser directement aux membres du grand-conseil, à Pékin, une copie de la dépêche qu’il venait d’écrire à Kouei-liang. L’expérience avait montré qu’avec la diplomatie chinoise on ne saurait pécher par excès de précaution. Combien de fois déjà n’était-il pas arrivé que les communications les plus importantes des représentans étrangers s’étaient perdues sur la route de Pékin, ou n’y étaient parvenues que dénaturées par le mensonge d’une traduction trop libre ! Il importait que dans cette circonstance l’empereur fût bien et dûment informé, par-dessus la tête de Kouei-liang, des conditions imposées par les alliés.

Le plénipotentiaire chinois avait annoncé son arrivée à Tien-tsin pour le 31 août. Les derniers jours du mois purent donc être employés à diriger sur cette ville, qui allait devenir le quartier-général, les troupes anglo-françaises. Cette opération, par suite de laquelle le gros du corps d’armée se trouva bientôt établi à Tien-tsin, pouvait être considérée comme un acte de guerre, et les ambassadeurs entendaient bien qu’aux yeux des Chinois il en fût ainsi, car, malgré les déclarations contenues dans la première dépêche de Kouei-liang, ils sentaient qu’il fallait peser jusqu’au dernier moment sur les déterminations du cabinet de Pékin. D’un autre côté, ils voulaient que, tout en conservant l’attitude militante, l’armée ne poussât point trop loin les démonstrations agressives, afin de ne point inspirer à l’empereur de Chine une frayeur telle qu’il prît tout à coup la résolution de se retirer en Tartarie, laissant là ses mandarins et son empire, ce qui eût singulièrement compliqué les affaires. Dans cette double pensée, amener l’armée à Tien-tsin,