Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/702

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui avaient fait l’accueil le plus empressé ; la population, qui pouvait être surprise par l’apparition du drapeau européen (car des proclamations tout récemment apposées dans toutes les rues lui annonçaient en termes pompeux, la défaite des barbares), avait montré la plus parfaite résignation. Dès le premier moment, les négociant qui avaient traité de la fourniture des approvisionnemens pour l’armée de San-ko-lin-sin s’étaient mis à la disposition des agens anglais pour procurer des vivres à l’armée alliée. Au surplus, les habitans de tien-tsin se souvenaient de l’ordre qui avait régné dans leur ville lors du séjour des troupes européennes en 1858, et ils avaient lieu d’être tout à fait rassurés. Quelques Chinois, dans leur prudence extrême, avaient envoyé leurs femmes à la campagne ; mais les boutiques étaient restées ouvertes, et, sauf le départ brusque et peut-être médiocrement regretté de la garnison tartare, il n’y avait rien de changé dans la physionomie de la ville.

A leur arrivée à Tien-tsin, le baron Gros et lord Elgin furent officiellement informés que l’empereur, par un décret du 24 août, venait de désigner Kouei-liang et le gouverneur-général Hang comme plénipotentiaires pour traiter de la paix, et le même jour ils reçurent de Kouei-liang une dépêche ainsi conçue :


« Aux termes du décret impérial qui me donne l’ordre de me rendre à Tien-tsin pour y régler, de concert avec le gouverneur Hang, tout ce qui est relatif à l’échange des ratifications du traité, j’ai l’honneur de vous annoncer que, muni du sceau de commissaire impérial, j’arriverai à Tien-tsin le 31 août. Quant à l’ultimatum présenté dans le mois de mars dernier, il n’est pas une clause sur laquelle nous ne puissions tomber d’accord. Je vous prie donc d’attendre que je sois arrivé à Tien-tsin pour voir votre excellence et m’entendre avec elle. »


Cette première communication annonçait que le gouvernement chinois était disposé à céder sur tous les points. Ce qui devait encore inspirer confiance, c’était le choix qui avait été fait de Kouei-liang pour mettre fin aux difficultés pendantes. Kouei-liang avait négocié et signé en 1858 les traités de Tien-tsin ; il en comprenait donc toute la portée. Il connaissait personnellement les deux ambassadeurs. On savait qu’il comptait à Pékin parmi les chefs les plus décidés du parti de la paix. Le baron Gros et lord Elgin allaient donc avoir affaire à un personnage sérieux, éclairé, conciliant, dont l’intervention devait être décisive. Ils jugèrent néanmoins qu’il était indispensable d’obtenir du gouvernement chinois des déclarations et des garanties plus certaines ; ils se proposaient en outre d’ajouter aux clauses insérées dans les traités de Tien-tsin diverses dispositions relatives tant au paiement d’une indemnité supplé-