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très faible, mais d’une qualité supérieure, qui s’équipait dans le nord à Boston, New-York, Philadelphie, et dans le sud à Washington, Norfolk, Pensacola.

L’insurrection éclate. Nous n’avons pas à nous étendre ici sur les causes qui l’ont produite, moins encore sur l’histoire de ce triste événement. Il nous suffira de dire que, dès le début, la grande majorité du peuple américain, convaincue de l’impossibilité d’accéder sans péril pour l’ordre social à un principe de séparation qui d’application en application mènerait au chaos, au néant, s’est décidée à combattre l’insurrection et à la vaincre à tout prix. Une fois cette résolution prise, le gouvernement a été armé de toute l’autorité que réclamaient les circonstances, et la lutte a été énergiquement engagée. On sait avec quelle persévérance elle a été soutenue au milieu d’obstacles et de dangers qui ont surgi de toutes parts, à travers la plus extraordinaire alternative de succès et de revers. Pour la consolation de l’humanité, le droit et la liberté ont fini par triompher sur les champs de bataille d’adversaires dignes de défendre une meilleure cause. Les ennemis, les uns patens, les autres cachés, mais tous impuissans, des institutions américaines, les ont vues, avec un humble dépit, sortir plus grandes et plus fortes encore de l’épreuve qu’elles venaient de traverser.

Ce sont là choses d’hier et présentes à tous les souvenirs. Ce qui nous occupe, c’est le rôle joué par la marine dans la lutte, c’est l’enchaînement de nécessités qui se sont manifestées une à une et qui lui ont donné ce rôle, c’est la manière dont elle a réussi dans sa tâche, lorsque au sud comme au nord appel était fait à toutes les créations, à tous les perfectionnemens de la science moderne, non pas dans des expériences de laboratoire et d’arsenal, mais au milieu des réalités et des dangers du combat. Ou nous nous trompons, ou quelque chose d’utile pourra sortir du tableau que nous allons mettre sous les yeux du lecteur. Tout au moins les services rendus à son pays par la marine des États-Unis seront-ils une nouvelle et éclatante démonstration de la nécessité qu’il y a pour un grand peuple d’avoir, quand il le peut, une grande force navale, et les esprits trop aisément enclins, chez nous à désespérer de la carrière maritime y trouveront-ils un motif de se rassurer.

Au moment où les hostilités ont éclaté et où l’on a pu juger, à la passion qui animait les gens du sud, qu’ils ne reculeraient devant aucun moyen de rendre leur rébellion triomphante, la première pensée des gens du nord s’est portée sur leur marine marchande. Cette marine couvrait les mers, car la très grande majorité des navires portant le pavillon des États-Unis appartenait aux ports septentrionaux de l’Union. Le sud était le producteur, le nord le né-