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gociant. Il fallait, sous peine de pertes immenses, protéger cette marine que quelques croiseurs sortis des ports du sud auraient mise en singulier péril. Pour cela, il importait de mettre au plus vite ces ports en état de blocus. On commença par les plus importans, par ceux qui présentaient quelques ressources d’armement ; on y employa des navires de guerre équipés à la hâte, ceux qui revenaient un à un des stations lointaines, des bâtimens enfin achetés par le département de la marine et transformés en navires de guerre. La pénurie d’officiers était très grande ; le corps était peu nombreux avant la guerre : la plupart des officiers, originaires des états du sud, avaient donné leur démission et laissé des vides difficiles à combler. On y suppléa tant bien que mal par la création de lieutenans et d’enseignes volontaires ou provisoires, pris parmi les marins du commerce. On eut soin seulement de maintenir un officier régulier dans le commandement des principaux navires et sur les plus grands même d’en conserver deux ou trois.

Une fois les grands ports bloqués et à peu près fermés à l’entrée et à la sortie des corsaires confédérés, on voulut davantage. On voulut empêcher sur toute l’étendue du littoral des états séparatistes l’introduction des armes, munitions de guerre, ressources de tout genre qu’ils pouvaient tirer de l’étranger, en même temps que l’on s’opposait à la sortie du coton, du tabac et des autres - produits du sud, dont la vente eût été très profitable aux finances des confédérés. Cette double interruption devait être d’autant plus efficace que, jusqu’à sa rupture avec le nord, le sud avait été une contrée exclusivement agricole, habituée à tirer du dehors par échange tous les objets nécessaires à sa consommation. Séparé du nord par la guerre, de l’étranger par le blocus, on devait non-seulement le réduire, dans un temps donné, à un manque absolu de ressources financières et militaires, mais faire éprouver à la population les privations les plus grandes. C’est ce qui est arrivé, et encore aujourd’hui il y a bien des personnes qui pensent que la rigueur du blocus est la cause première de la soumission des confédérés.

On a donc établi ce grand blocus de toutes les côtes des états du sud depuis la Chesapeake jusqu’au Rio-Grande, à la frontière du Mexique. Il suffit de jeter les yeux sur la carte pour voir quelle tâche immense ç’a été de le maintenir, et de le maintenir efficace, sur les côtes dangereuses des Carolines, sur les bas-fonds de la Floride, le long des bayous de la Louisiane, hiver comme été, au milieu de la fièvre jaune et des coups de vent de la mauvaise saison, et cela pendant près de quatre ans. Les chiffres seuls peuvent dire combien il fallait de monde pour garder une si vaste étendue de