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dire que ce sont les défauts du temps. Son vrai modèle, c’est la langue de nos encyclopédistes, celle qui n’abdique pas tout souvenir des traditions, et il a pris parti dans la littérature suédoise, malgré quelques velléités contraires, pour l’école toute classique dont le chef était le poète Léopold.

L’établissement d’une académie sur le plan de l’Académie française était un dessein ile nature a séduire un tel esprit. La reine Louise-Ulrique, sa mère, avait déjà doté la Suède d’une institution analogue[1] ; Gustave y ajouta la célèbre académie des dix-huit. Les deux compagnies ont continué de rendre d’éminens services sans que la différence de leur inspiration primitive soit entièrement effacée. La première a été fondée dans un temps d’agitation civile : aussi l’étendue de ses attributions, qui comprennent les sciences morales et politiques, atteste encore de nos jours l’ardeur intellectuelle de l’époque où elle est née. La seconde, instituée pour grouper et discipliner les esprits, sert à marquer le niveau de la plus haute culture et le propose toujours à l’émulation commune. Gustave eut le mérite d’appeler dans la nouvelle académie non-seulement les écrivains proprement dite, mais encore les hommes qui avaient donné des preuves de talent par la parole : on le vit y nommer, avec un désintéressement qui lui fit honneur, des adversaires de sa politique, comme le comte Fersen, chef éloquent de l’opposition dans les diètes suédoises. Après avoir rédigé lui-même les règlemens, Gustave se mêla aux premiers concours et fut lauréat à son tour ; c’était, dans sa pensée, refaire sur d’autres bases une œuvre semblable à celle qu’avait accomplie le cardinal de Richelieu.

Parmi les branches diverses de l’activité littéraire, le théâtre, dont les séductions variées répondaient si bien à l’insatiable curiosité du XVIIIe siècle, apparaissait surtout à Gustave III comme un puissant moyen d’agir sur les esprits et de transformer les mœurs. Il conçut le louable projet de raviver ou de créer, à vrai dire, la scène suédoise en empruntant des sujets dramatiques aux souvenirs nationaux. Il écrivit plusieurs drames[2], où l’histoire de Gustave Vasa, celle de Gustave-Adolphe et d’autres héros du Nord devait être représentée ; mais en même temps une troupe française était rappelée en 1781 à Stockholm, afin qu’on eût les modèles à côté des copies. Le célèbre Monvel en fut le directeur et y apporta, comme répertoire, indépendamment de nos pièces classiques, notre

  1. Il y avait aussi depuis 1738 l’Académie des sciences, illustrée par Linné, l’Académie des arts depuis 1734 et l’Académie de musique depuis 1771.
  2. Une des pièces de Gustave III, Siri Braé ou les Curieuses, assez mal traduite et arrangée pour notre scène a été imprimée et représentée à Paris sur le Théâtre-Français le 11 février 1863.