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sud ont changé tout cela. Ils ont découvert que les fondateurs de l’Union ont fait la constitution pour être violée, le pouvoir souverain pour le mettre à la discrétion des états, le lien national pour être rompu sans forme de procès. Ils ont tourmenté les articles de là constitution pour en tirer la théorie démocratique des states-rights : on a décidé que l’Union n’était pas la souveraine, mais la servante des états ; puis de cette doctrine commode on a déduit toute une série de principes qui ne tendent à rien moins qu’à annuler le gouvernement…

On reproche au nord les mesures extrêmes prises depuis la guerre. Quelques-unes peuvent être regrettées ; mais elles sont la conséquence naturelle de l’état de guerre et le châtiment de la rébellion. Le sud n’avait pas tant de scrupules lorsqu’en pleine paix il préparait traîtreusement la révolte, lorsque ses chefs, ministres du gouvernement qu’ils voulaient détruire, usaient de leur pouvoir pour dérober à l’Union son argent, ses vaisseaux, ses munitions, et pour remplir des dépouilles du nord les ports et les arsenaux des états insurgés.

14 juillet.

Les rebelles gagnent du terrain ; ils pillent les villages, brûlent les ponts du chemin de fer, arrêtent les trains, dévalisent les voyageurs, fusillent les employés, détruisent le télégraphe. La maison du gouverneur Bradford du Maryland a été brûlée, et sa femme chassée de chez elle. On dit que l’ennemi en veut surtout aux montres, aux bijoux et à l’argent. De temps en temps il court des bruits sinistrés ; on annonçait hier dans Wall-street la prise de Washington ; on affirme ce matin qu’un combat a été livré aux portes de la ville. D’autres disent que les rebelles ont pris le chemin du Potomac, emmenant leur butin et un immense convoi de chevaux. Voilà tout : New-York d’ailleurs ne s’est pas ému. Le gouverneur et le maire, aux appels du gouvernement qui demandait des troupes, ont répondu par des protestations malveillantes. Là-bas la terreur, ici l’indifférence, nulle part des mesures énergiques. Les milices s’organisent lentement. Cependant l’or baisse jusqu’à 260. Pourquoi ? Nul ne le sait. Qui peut rien entendre à cette confusion ?

Les rebelles ont au nord beaucoup d’amis et de complices. On se demande même si cette incursion audacieuse n’a pas été guidée par la trahison. On nomme ceux des chefs du parti démocrate qu’on soupçonne d’y avoir trempé. C’est du moins par la connivence passive de ce parti que partout l’incurie est si grande. Le gouvernement fédéral donne les ordres ; mais qui les exécute ? Ses ennemis, investis par l’élection de toutes les magistratures locales et muni-