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angoisses d’une guerre sociale, qui n’eût cru devoir prêter au Danemark tout son concours moral, qui n’eût même songé un instant à lui donner une assistance matérielle[1].

Aujourd’hui la situation était singulièrement changée, et l’indifférence, la perplexité ou une inimitié plus ou moins avouée et active avait remplacé la sollicitude si générale de 1848. Aujourd’hui la France se balançait dans une expectative mystérieuse à laquelle elle s’efforçait de donner les allures d’une philosophique impartialité. Cette attitude du cabinet des Tuileries frappait d’avance de stérilité toutes les timides démarches de l’Angleterre, qui faisait à chaque instant virer de bord sa redoutable flotte du canal, et le dissentiment ainsi déclaré entre les deux puissances libérales de l’Occident rendait l’Autriche plus « patriotique » qu’elle ne le voulait, la Suède plus sage qu’elle ne l’ambitionnait, et la Russie aussi complaisante envers M. de Bismark que pouvait l’exiger l’état toujours alarmant de la Pologne. L’Autriche n’avait plus, comme en 1858, sa jalousie séculaire contre la Prusse pour se maintenir dans le chemin du droit des gens et des traités solennels ; elle marchait maintenant de concert avec son rival pour la délivrance des « frères allemands. » Elle marchait à contre-cœur, il est vrai, avec maintes réticences et retours, et trahissant de temps en temps la violente envie de rentrer au plus vite dans le giron de l’orthodoxie internationale. Le 31 janvier encore, au moment même où les troupes autrichiennes franchissaient l’Eider et échangeaient les premières balles avec les Danois, le comte Rechberg suppliait le cabinet de Saint-James de ne pas interrompre ses efforts pour la paix. « Son excellence, écrit lord Bloomfield, insiste sur la réunion d’une conférence à Londres durant même les opérations militaires ; M. de Rechberg me prie de bien recommander cette considération au gouvernement de la reine ; il est évidemment très désireux de voir les négociations commencer le plus tôt possible. » La semaine d’après, et le Danevirk pris, le ministre autrichien acceptait avec empressement le projet d’un armistice, et l’ambassadeur anglais mandait le 8 février de Vienne que « son excellence désirait évidemment qu’il fût mis fin, et le plus tôt possible, aux opérations de la guerre… » Il est vrai que le 12 février tout de nouveau se trouvait

  1. Il a été réservé à ces derniers temps de faire pleinement ressortir ce côté honorable du gouvernement provisoire, et voici le curieux passage qu’on lit à ce sujet dans les state papers anglais : « M. Drouyn de Lhuys me dit, raconte lord Cowley dans une dépêche datée du 13 février 1864, qu’en 1848 le Danemark avait demandé la protection de la France, et que M. Bastide, alors ministre des affaires étrangères sous la république, avait chaudement (warmly) pris la cause, et qu’il fût même question d’envoyer dix mille hommes pour assister les Danois dans la défense de leur pays… »