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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/1041

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municipaux ; il commence à dresser l’oreille à propos de l’haussmanisation de la France ; il voudrait voir accroître par une libre et franche publicité la vie de ses assemblées locales. Voilà d’importuns désirs que le gouvernement accueille d’un air chagrin, ne pensant point qu’il soit juste et sage de les satisfaire encore. De là des contrariétés mutuelles qui petit à petit grossissent l’actif de l’opposition libérale, comme on s’en aperçoit à l’occasion des élections partielles, comme on s’en apercevrait bien plus encore un jour d’élections générales. Un autre sujet d’ennui, c’est la malheureuse presse. Juste ciel ! comment la presse pourrait-elle être aujourd’hui une cause de soucis et d’alarme ? Elle est attachée par mille fils, elle bat des ailes dans une volière. Sa condition, pour ceux qui considèrent les choses de haut, est digne de pitié et fait subir à l’esprit français une humiliation douloureuse. Ses timides bourdonnemens ont pourtant encore la vertu de fâcher le pouvoir. Nous avions cru devoir accueillir comme un symptôme d’indulgence l’extension donnée au système des communiqués officiels. Voilà les avertissemens qui pieu vent de plus belle et la Gazette de France avertie une seconde fois pour avoir osé exprimer quelques réflexions touchant la première sévérité administrative qui l’avait frappée. Nous qui observons ces choses-là en curieux, nous noterons que ces avertissemens répétés donnés à la Gazette de France ont produit dans le monde impartial le moins suspect de tendresse envers la presse un effet d’étonnement. Que l’on aille un peu plus loin dans cette voie, et l’on ne tardera point à rappeler vers les journaux un intérêt et des sympathies publiques qui les avaient depuis longtemps délaissés.

Le ministre de l’intérieur a émis à ce propos une doctrine qui paraîtrait exorbitante, si elle pouvait s’établir sans contestation. Il assimile les avertissemens, ces mesures que M. de Persigny avait la franchise d’appeler des actes de pouvoir discrétionnaire, à des jugemens qu’il faudrait subir purement et simplement, et qu’il serait interdit d’apprécier et de discuter. C’est réclamer pour l’autorité administrative un privilège que n’a point et que ne voudrait point exiger la justice civile du pays. A-t-on jamais vu dans un pays civilisé qu’un arrêt pût être soustrait à la discussion et à la critique polie et modérée ? Que les arrêts soient exécutés et respectés, voilà ce qui est prescrit ; mais il n’est pas de jurisconsulte ou de magistrat qui ait jamais songé à pousser les effets légaux des décisions judiciaires jusqu’à interdire absolument l’appréciation contradictoire des principes et des motifs de ces décisions, Le pouvoir administratif montre déjà une bien grande ambition quand il place ses arrêts sur les journaux au rang des actes de la justice ordinaire, mais il ne peut raisonnablement aller au-delà et prétendre à des immunités que la justice ordinaire ne possède point et ne voudrait point revendiquer. Il faut donc féliciter la Gazette de France de l’intention qu’elle annonce de se pourvoir devant le conseil d’état contre le dernier avertissement qu’elle a reçu. Il est bon que la plus