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dépendre plus ou moins directement de la science de l’hygiène et auxquels il consacre un examen particulier. Ce n’est pas assez toutefois d’avoir, en invoquant les derniers travaux de l’Allemagne, fait à nouveau le panégyrique de l’ancienne législation juive ; l’auteur poursuit l’examen de son sujet à travers le moyen âge et voit jusqu’aux temps modernes de féconds emprunts aux codes hébraïques se mêler aux civilisations diverses et les vivifier. J’ai dit en commençant que l’auteur avait tracé un vaste programme plutôt qu’il n’avait écrit un livre ou même une dissertation spéciale. Or c’est ici principalement que cette critique peut être rappelée. Quelques développemens précis manquent pour que le lecteur sache bien si c’est une influence lointaine ou une imitation directe de plusieurs dispositions hébraïques que l’auteur distingue dans le recueil des capitulaires carlovingiens. M. le docteur Borchard parle aussi du Livre des Métiers d’Etienne Boileau sans s’exprimer avec clarté sur une pareille influence, qu’il paraît admettre. En revanche, il a un passage fort curieux sur les institutions hygiéniques de cet illustre empereur d’Allemagne Frédéric II, qui s’entourait, comme on sait, de Juifs et « d’autres mécréans ; » mais, tout en paraissant peu éloigné de croire que les établissemens de Frédéric ont exercé une influence directe sur les législations contemporaines, par exemple sur celle de saint Louis, l’auteur ne donne pas ses preuves et se contente d’allégations vagues. Il est plus explicite quand il examine la curieuse question de savoir en quelle mesure le moyen âge est redevable à la civilisation arabe, et l’on s’attend bien à ce qu’il revendique au nom de l’élément hébraïque une bonne partie des bienfaits attribués à cette civilisation.

C’est à la fois, on peut le dire, le défaut et le mérite de l’écrit de M. le docteur Borchard de soulever beaucoup de graves problèmes et de ne pas les soumettre à une assez complète discussion : problèmes de science médicale, au sujet desquels il semble avoir craint d’abuser de ses connaissances spéciales ; problèmes religieux, qui rencontrent sous sa plume des affirmations chaleureuses et sincères, mais pour beaucoup d’esprits sans doute contestables ; problèmes d’histoire politique et morale, qu’il était fort intéressant et utile de poser, et qui méritent l’attention, mais qui exigeraient de plus longs développemens. Ce n’en est pas moins un sérieux mérite que d’apercevoir toujours et invinciblement, dans quelque avenue de la science qu’on s’engage, ces grandes questions de morale sociale et religieuse vers lesquelles on voit que l’auteur est entraîné. Ce qui n’est encore sous la plume de M. le docteur Borchard qu’un brillant programme, des études patientes pourront l’achever et le transformer.


A. GEFFROY.


V. DE MARS.