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si soigneusement à tous les yeux les corps des martyrs que plusieurs dans la suite ne purent plus être retrouvés. C’est alors que les catacombes sont véritablement un lieu d’asile et de refuge ; c’est alors qu’un culte proscrit s’y cache à ses persécuteurs. Toutes ces idées de précaution, d’ombre et de secret, que ce nom rappelle, si elles sont fausses quand on les applique aux premiers siècles, conviennent parfaitement à l’époque qui s’étend de Dèce jusqu’à Constantin.

La victoire de l’église sous Constantin ne servit point aux catacombes autant qu’on aurait pu le penser. Sans doute le christianisme triomphant honora l’asile de ses mauvais jours ; on répara les anciennes cryptes qui avaient souffert, on élargit et on embellit celles où reposaient les principaux martyrs, on construisit des entrées nouvelles et plus magnifiques, des escaliers plus commodes pour y descendre ; on creusa des puits (lucernaria) pour leur donner du jour ; enfin, à la place des pauvres chapelles où les premiers chrétiens honoraient timidement leurs morts au-dessus des cryptes qui renfermaient leurs restes, on éleva de somptueuses basiliques. Tous ces travaux néanmoins nuisirent souvent plus qu’ils ne profitèrent aux vieilles catacombes. En voulant les faire plus belles, on leur enleva leur caractère et leurs souvenirs. Les anciens murs de pierre, avec leurs fresques noircies, parlaient plus au cœur que les marbres dont on les couvrit. Les nouveaux escaliers modifièrent l’économie et la régularité de l’ensemble. Pour jeter les fondemens des basiliques, on n’hésita pas à détruire des tombes et à combler des galeries. C’est donc le jour où le christianisme est victorieux que l’on commence à dégrader les catacombes. On les respectait bien davantage quand il était humble et proscrit. En même temps elles avaient beaucoup à souffrir des excès d’une dévotion mal réglée. Tout le monde voulait être enterré le plus près possible des martyrs. Quand la place était prise, on s’en faisait une aux dépens du premier occupant ; les vieilles inscriptions étaient détruites sans scrupule ; on creusait des niches dans des murs couverts de fresques admirables. Le mal devint si grand que le pape Damase se crut obligé d’arrêter ce zèle indiscret. « Les saints ne sont pas flattés, disait-il aux fidèles, qu’on s’attache ainsi à leurs tombeaux. Au contraire ils en sont importunés. Ce qui rapproche véritablement d’eux, c’est de les imiter. Il faut être près d’eux par l’âme et non par le corps. » Et, joignant l’exemple au précepte, il refusa d’être enseveli près des saints tombeaux, quoiqu’il eût plus de titres qu’un autre à cet honneur. Ce qui est encore un signe du temps, c’est qu’alors les tombes ne sont plus creusées que par des gens qui en font un métier et une industrie. Les premiers fossoyeurs accomplis-