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avait sur les catacombes ne soient entièrement changées depuis les travaux de M. de Rossi. On disait, avec Bottari, qu’elles étaient d’anciennes carrières abandonnées, asile des vagabonds, refuge des assassins, où les premiers chrétiens avaient été conduits par des esclaves ; on croyait qu’ils ne s’y étaient cachés que pour y trouver la liberté de prier leur Dieu à leur façon, qu’ils étaient allés chercher jusque dans le sein de la terre le droit de n’imiter personne et de rompre tout à fait avec une société qu’ils avaient en horreur. Il se trouve au contraire que les plus anciens tombeaux chrétiens dont on découvre les restes s’étalaient hardiment sur le sol, ce qui suppose qu’on avait la liberté de les construire, qu’ils sont couverts de peintures remarquables, ce qui indique la fortune de ceux qui les ont fait décorer, qu’ils portent quelquefois des noms illustres, ce qui laisse penser que les premiers fidèles, au lieu d’y être furtivement conduits par des esclaves, y ont été ouvertement et légalement admis par de riches protecteurs qui les avaient fait creuser pour eux et pour leurs frères. Enfin, loin d’attester, comme on le croyait, une antipathie complète, incurable, absolue des chrétiens pour les usages et les rites du paganisme, les catacombes donnent plutôt la preuve qu’au moins pour les choses extérieures ces deux sociétés ennemies avaient entre elles des rapports qui surprennent, qu’elles paraissent par momens essayer de s’accommoder et de vivre ensemble, que le christianisme naissant n’a pas rejeté d’un seul coup et sans choisir toute la civilisation antique, qu’il a voulu profiter de tout ce qui pouvait lui être utile sans trop l’engager et le compromettre, qu’il acceptait sans répugnance une foule d’usages, de symboles, de pratiques, et, ce qui est plus surprenant pour un culte qui sortait à peine du sein de la synagogue, qu’il a fait libéralement appel aux beaux-arts, et qu’il n’a pas redouté de s’en servir pour exprimer ses croyances. Et remarquons bien que l’église n’était pas alors à l’une de ces époques où l’ardeur des premiers jours est éteinte, où l’attiédissement de la foi dispose à des compromis fâcheux. C’était le temps au contraire de la plus vive foi, de la plus pure doctrine. On était presque au lendemain de la mort des apôtres : la tradition vivait dans ceux qui les avaient connus, les fidèles entendaient encore résonner à leur oreille la parole des premiers disciples du maître.

L’église a traversé, à son origine, trois phases distinctes : elle a successivement été juive, grecque et romaine, personne ne le nie. On discute seulement sur la durée de chacune de ces périodes. Il n’est pas probable qu’à Rome la phase juive ait été bien longue. Aucun monument, aucun souvenir ne nous fait remonter jusqu’à elle ; nous savons seulement que les Juifs de Rome étaient tout im-