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Il ne prit aucune part à la conjuration de San Carlos de La Rapita, à en juger du moins par un écrit dans lequel il qualifie les fils infortunés de celui qui fut son bienfaiteur et son roi de bande de gens perdus. » Le frère Cirilo est aujourd’hui cardinal-archevêque de Tolède, et il est fort écouté à la cour. « Le père Claret de soldat devint ecclésiastique, puis missionnaire, puis évêque. Il a acquis une certaine célébrité par ses sermons et par la publication d’un livre, la Clé d’or, — la Llave de oro, — opuscule peu digne de l’homme et du prêtre par l’impudeur de la pensée et la grossièreté du langage… » Le père Claret est aujourd’hui confesseur de la reine.

La plus curieuse de ces influences assurément, celle qui fait le plus parler d’elle et autour de laquelle peut-être toutes les autres se groupent, c’est une religieuse, sœur Maria-Dolorès Patrocinio, abbesse du couvent de San-Pascual d’Aranjuez. Comment une religieuse qui a été condamnée autrefois par les tribunaux pour imposture, parce qu’elle se donnait comme l’objet d’un miracle permanent et montrait les plaies du Christ sur ses mains, comment cette religieuse a-t-elle pu devenir un personnage ? Elle a passé pour avoir été un moment autrefois la dépositaire d’un document d’une certaine importance que les ministres d’alors auraient été obligés de racheter à prix d’argent. On paya le document et on exila la religieuse. Elle a été ainsi exilée plus d’une fois, et ce qui est curieux, c’est qu’elle l’a été le plus souvent par les modérés ; mais elle est toujours revenue. Ou dit à Madrid, — que ne dit-on pas ? — qu’un jour, il y a bien des années, le roi, par qui cette influence s’exerce principalement, avait pressé la reine d’aller à un sermon, au couvent de sœur Patrocinio. Il y avait là un prédicateur qui se livra à de tels excès d’éloquence, que la jeune souveraine en fut toute saisie et se retira malade. La reine Christine, qui était à cette époque à Madrid, sut la cause de cette indisposition, et elle intervint pour qu’une scène de ce genre ne se renouvelât point. Depuis il y a eu toujours une certaine antipathie entre la religieuse et la reine-mère. Malgré tout, sœur Patrocinio n’a pas moins prospéré, assez forte pour survivre aux ministères et même pour ne pas obéir au pape, qui s’est prêté quelquefois sans succès à l’appeler à Rome. Aujourd’hui, outre le couvent de San-Pascual d’Aranjuez, elle a plusieurs maisons de son ordre élevées avec l’argent qu’elle tient de la cour, et il est arrivé parfois au général O’Donnell, pendant son premier ministère de cinq ans, de s’entendre reprocher en pleines cortès ses ménagemens pour la nonne.

Ces influences, sans parler de quelques autres, peuvent certainement être gênantes autant qu’elles sont irrégulières ; elles sont peu prévues par le mécanisme constitutionnel, quoiqu’elles soient toujours prévues pour celui qui sait bien qu’il y a inévitablement