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demeurant les mêmes, toute notre politique constitutionnelle a roulé sur deux points : sur le partage des attributions entre le pouvoir exécutif et les assemblées représentatives, et sur le système électoral d’après lequel ces assemblées devaient être formées. Nous le répétons, toute notre histoire constitutionnelle depuis soixante-dix ans a porté sur ces deux points, et chacune de nos révolutions secondaires n’a fait que déplacer la limite des attributions entre le pouvoir et les assemblées représentatives ou déplacer la limite du droit électoral. On peut considérer désormais un de ces points comme résolu et définitivement écarté du débat. La révolution de 1848 a fondé le suffrage universel, la lutte sur le droit électoral est terminée ; mais il n’en est point de même du partage des attributions entre le pouvoir exécutif et les corps représentatifs nommés par le suffrage universel ; ici la lutte continue, et s’il y a en France au point de vue constitutionnel un parti libéral et un parti qui n’est pas libéral, c’est qu’il y a un parti qui pense que les attributions des assemblées représentatives doivent être augmentées et un parti qui pense le contraire, un parti qui réclame le couronnement de l’édifice et un parti qui accepte l’édifice tel qu’il est. Ce qu’on peut appeler les malheurs de la liberté dans notre histoire depuis la révolution forme la série des restrictions qui ont été imposées à l’action des assemblées représentatives. Cette histoire nous apprend qu’a plusieurs reprises les assemblées représentatives ont succombé sous les empiétemens du pouvoir exécutif, et que cette défaite des assemblées a été la conséquence de l’inexpérience ou des défaillances des corps électoraux de qui elles émanaient, et qui ont manqué ou de l’intelligence ou de la force nécessaire pour les soutenir. Cette histoire nous apprend encore que tout pouvoir exécutif triomphant a trouvé dans l’organisation de ses agens le moyen assuré de composer les fantômes d’assemblées représentatives dont il avait besoin pour faire consacrer ses empiétemens. Cette longue expérience a donc démontré à tous ceux qui ont réfléchi sur la destinée politique de notre pays que la liberté ne serait fondée en France que lorsqu’on l’aurait fortement assise aux premiers degrés, de la hiérarchie représentative en limitant à ces degrés mêmes, conformément aux intérêts de la liberté, le partage des attributions entre les agens du pouvoir exécutif et les assemblées destinées à représenter les groupes de la commune, de l’arrondissement, du département. C’est cette pensée d’étendre autant que possible, dans une mesure compatible avec les intérêts généraux du pays, l’action des citoyens et des assemblées qui les représentent dans la sphère de la commune, de l’arrondissement ou du canton, du département, — c’est cette pensée essentiellement libérale, inhérente aux principes de 1789, conforme aux constitutions votées par nos premières assemblées révolutionnaires, que l’on exprime par le mot de décentralisation, — mot impropre peut-être parce que tout ce qui peut mêler davantage les citoyens à la délibération et à la direction de leurs affaires, tout ce qui peut leur apprendre à se gouverner