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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/266

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même zèle, pour la, défense de leurs commettans. Chacun plaidera pour son comté, son bourg ou sa ville ; sur tout détail, les positions comme les opinions seront en jeu. Pour les individus, il y va de leurs sièges ; pour les partis, de la puissance.

De toute façon, ce remaniement sera le premier et le principal objet de la réforme parlementaire, si on l’entreprend. Il faut ajouter qu’une chambre une fois, nommée en perd volontiers le goût ; elle aime mieux durer que se congédier de ses propres mains. Celle dont les pouvoirs viennent d’expirer en est la preuve ; elle s’est séparée sans avoir fait un effort proportionné aux engagemens pris. L’élan de 1832 ne s’est pas reproduit ; il est vrai que les circonstances, ne sont plus les mêmes. Le scandale était alors flagrant. Quelques bourgs ne comptaient que 13, 12, 8 électeurs ; deux, Gatton et Old Sarum, n’en avaient qu’un. Dans les villes, les choix appartenaient aux maires et aux aldermen assistés de quelques bourgeois au nombre de 12 ou 16. Lord Grey avait pu dire en pleine chambre que la majorité, alors de 330 membres, était le produit de 15,000 suffrages, et lord John Russell ajoutait, en défiant les démentis, que 7 pairs faisaient arriver sur les bancs des communes 63 de leurs créatures. Aujourd’hui l’abus est moins criant et n’a plus cet excès d’impudeur, il ne s’agirait que de faire un triage dans les bourgs et les villes dont la population flotte entre 3,000 et 8,000 âmes, et qui disposent encore d’un ou de plusieurs sièges. C’est une besogne de détail, presque nominative, délicate par conséquent. Il n’en est pas moins urgent qu’elle s’achève. On ne peut pas toujours se couvrir du motif, assurément fondé, que la représentation actuelle, tel qu’elle est, réfléchit avec assez d’exactitude les opinions sensées du pays, et les intérêts démontrés de toutes les classes. Ce fait ne prouverait qu’une chose, c’est que les hommes valent mieux que le mécanisme d’où ils procèdent. Il y a d’ailleurs des ombres au tableau, ce sont les actes de corruption, et l’achat direct ou indirect des suffrages. Dans un pays scrupuleux, à beaucoup, d’égards, on s’étonne, que de telles traditions persistent, et que tant de membres des communes se résignent, pour atteindre leurs sièges, à passer par ce marchepied déshonoré. C’est d’ans les petits bourgs, ceux qu’on nommait, des bourgs pourris, que la contagion est née. Tout bourg, qu’on raie de cette catégorie est un foyer d’infection de moins. A mesure que les nombres s’élèvent, les entreprises sur les consciences sont plus coûteuses, et par suite deviennent plus rares. Les bons exemples feront le reste, et il est opportun de rappeler celui qu’a donné M. John Stuart Mill. Sur l’offre qui lui avait été faite d’une candidature dans l’une des circonscriptions de Londres, il n’a consenti qu’à la condition d’être affranchi des servitudes et des charges qui enlèvent à un mandat son caractère le plus précieux, le mouvement libre et spontané des mandataires. Cette hardiesse l’a bien servi, et la voie est ouverte à ceux qui voudront, au prix de quelques risques, concourir à cette révolution morale.

Cette nécessité d’augmenter les nombres des votans pour diminuer les