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Vendôme, et de cette vaillante Jeanne d’Albret, « reine n’ayant de femme que le sexe, comme dit d’Aubigné, l’âme entière aux choses viriles, l’esprit puissant, aux grandes affaires et le cœur invincible aux adversités. » En 1563, Jeanne d’Albret, déjà veuve, embrassa le calvinisme et fit élever ses deux enfans, dans la religion formée. Tout le monde connaît la rude et vigoureuse éducation qu’elle donna à son fils, « nourri en lieux âpres, tête nue et pieds nus. » Ce fut à lui qu’elle confia en mourant la défense de sa fille. « Je supplie mon fils, écrivit-elle dans son testament, de prendre sa sœur Catherine sous sa protection, d’être son tuteur et son défenseur, de lui servir après Dieu de père. » Catherine n’avait encore que treize ans, et l’exécrable trahison de la Saint-Barthélemy se préparait. La jeune princesse était au Louvre dans cette nuit funèbre et sanglante dont les mémoires de Marguerite de Valois tracent un tableau si saisissant. Henri de Navarre, fut obligé d’abjurer, pour lui et pour sa sœur, et tous deux restèrent à la cour dans une sorte de captivité, qui dura de 1572 à 1576. Tandis que son frère, pour tromper les soupçons, se faisait un masque de frivolité bruyante, d’inoffensive jovialité, et que les seigneurs catholiques traitaient cavalièrement « ce petit prisonnier de roitelet qu’on galopait à tous propos de paroles et de brocards, » la jeune Catherine, à qui la vue de scènes terribles avait fait perdre la confiance et l’enjouement de son âge, s’abstenait de figurer aux fêtes de la cour des Valois. Malgré son abjuration forcée, elle était restée calviniste dans le cœur ; lorsqu’en 1576 elle rejoignit son frère, qui, pendant une partie de chasse à Saint-Germain, avait trouvé moyen, de s’évader, et de gagner son gouvernement de Guyenne, la première chose qu’elle fit fut de se rendre au prêche et de chanter les psaumes des huguenots. A partir de ce jour, elle se dévoua de toute son âme aux intérêts de son frère. Gouvernante et lieutenante-générale du Béarn à l’âge de vingt ans, elle publiait des ordres militaires et veillait à la défense des places fortes.

Elle fut demandée en mariage par le roi d’Espagne, Philippe II, en 1580. Le puissant souverain promettait à Henri de Navarre des secours suffisans pour fonder une monarchie indépendante dans le sud de la France. La Gascogne, augmentée du Languedoc et réunie aux deux Navarres, au comté de Foix, au Béarn et au Bigorre, devait former ce royaume. En outre Philippe II se faisait fort d’obtenir du pape la rupture du mariage de Marguerite de Valois et de Henri, à qui était destinée la main de l’infante Clara-Eugenia, fille de la sœur de Charles IX, Elisabeth de France. Quoi de plus dangereux qu’un tel projet pour l’unité française, dont les débuts avaient été si laborieux et si sanglans, et qui devait encore traverser de si rudes épreuves ? L’avenir de la France se trouvait suspendu à la résolution d’une jeune fille ; son refus préserva sa patrie des plus grands malheurs, et l’Espagnol ne franchit pas les Pyrénées.

Cependant la jeunesse de Catherine se passait calme et pure. Elle présidait avec tact et sagesse la petite cour de son frère, à Nérac ou à Pau ; pen-