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trouver le comte de Falkenstein, qu’il retrouvait ici, et l’accompagnait à Saint-Pierre, où tous deux, empereur catholique et roi luthérien, entendirent la grand’messe, agenouillés côte à côte pendant tout le long office (pénible effort pour Gustave, qui n’y était pas exercé). À peine le pape était-il remonté dans ses appartemens que le comte de Haga, accompagné du seul comte de Fersen[1], s’y présentait pour lui faire visite. C’était la première fois que Rome et le saint-père recevaient un souverain protestant du Nord, et la démarche imprévue de Gustave produisit un grand effet ; il entendait qu’elle eût d’utiles conséquences au profit de la liberté de conscience et des cultes. Se posant sur un pied d’égalité comme chef d’une église indépendante en face du chef de l’église catholique, après avoir assisté à la communion du pape, il invitait le souverain pontife, sans plus de façons, à venir assister à la sienne. Pie VI, qui était un homme d’esprit, sut éluder poliment sans rompre ; Gustave réussit du moins à faire ouvrir tout auprès de Saint-Pierre une chapelle luthérienne, et le même jour furent publiquement célébrés la messe à Stockholm et à Rome l’office protestant. C’étaient de tels triomphes que Gustave recherchait pour se recommander envers le siècle.

Il voulait aussi, disions-nous, faire servir le voyage de Rome à sa renommée de protecteur des arts. Il y fut beaucoup aidé par François Piranesi, le fils du célèbre graveur. On sait que ces deux artistes avaient fondé une importante maison pour le commerce des estampes ; après avoir fait quelques acquisitions par leur intermédiaire, Gustave nomma François Piranesi son agent-général en Italie pour les beaux-arts et la littérature. Un échange très actif de dépêches d’un nouveau genre commença dès lors entre l’agent italien, et le comte de Fredenheim, ministre de la maison du roi de Suède ; chaque dépêche, ou peu s’en faut, contenait une lettre particulièrement destinée à Gustave III. Cette curieuse correspondance, rédigée en français, dont nous ayons publié pour la première fois une notable partie et dont le reste, entièrement inédit, est sous nos yeux, forme presque un cours abrégé d’archéologie et d’esthétique. L’auteur décrit un à un les principaux objets d’art, vases, statues, bas-relief, qui ornent les musées ou les villas de Rome. Il parle des récentes découvertes, des fouilles qui se succèdent en grand nombre, et il joint à ses messages des dessins, des fac-simile et des inscriptions. Après, que Gustave a personnellement visité Rome, il l’entretient des, galeries qu’il a le plus goûtées, et

  1. Axel Fersen était venu de France joindre Gustave à Nuremberg et faisait le voyage d’Italie avec lui.