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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/622

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qu’il y a au fond d’un peu grêle dans l’habileté de Luca della Robbia et ce qui manque à cette manière, si séduisante qu’elle soit, du côté de la franchise et de la force. Même en dehors des conditions imposées ici par l’architecture, un certain amoindrissement se trahit dans les tendances et dans les doctrines. Le respect des monumens de l’antiquité et le désir d’en mettre à profit les enseignemens subsistent encore, mais le sculpteur des Chanteurs s’inspire de ces grands modèles moins pour s’en approprier l’esprit que pour en imiter les surfaces. Ce qu’il demande à l’art grec, ce sont surtout des exemples d’ajustement, des détails de costume, des documens sur la coupe d’une tunique ou d’un manteau. Il y a loin déjà de cette humble méthode aux nobles ambitions, aux procédés savans de Donatello. À quoi bon insister au surplus ? Sans sortir de la salle où sont exposés les bas-reliefs de Luca della Robbia, on pourra juger de la distance qui sépare les talens des deux artistes, puisqu’à côté des marbres sculptés par l’un pour la tribune des orgues de la cathédrale, une frise sculptée par l’autre et ayant décoré jadis une tribune qui s’élevait en face, dans la même église, a été également transportée aux Offices ? Que serait-ce si l’on rapprochait de cette œuvre si fièrement conçue et exécutée, si vraiment monumentale, les travaux appartenant, non plus à l’époque de Luca della Robbia, mais aux dernières années du XVe siècle ! La sculpture florentine alors semble se souvenir de moins en moins des traditions qui l’obligent, ou, s’il lui arrive de continuer en quelque chose le passé, c’est par un retour à des erreurs dont Donatello et son école avaient fait justice, par des tentatives renouvelées de celles qui, à un certain moment, avaient failli tout compromettre. En sculptant sur la chaire de Santa-Croce les cinq sujets en ronde-bosse consacrés à la vie de saint François, Benedetto da Majano faisait preuve d’une habileté remarquable ; mais il tendait à remettre en honneur les dangereux principes adoptés jadis par Ghiberti dans l’exécution des portes du Baptistère, il pratiquait même avec moins de retenue ce système d’usurpation sur les droits et la fonction du pinceau. La voie une fois frayée ou plutôt rouverte, ce fut à qui s’y précipiterait le plus vite et s’y aventurerait le plus loin. Matteo Civitali, Benedetto da Rovezzano, nombre d’autres encore ne songèrent plus qu’à engager avec la peinture une lutte dont aucun d’eux ne devait sortir victorieux, et qui ne pouvait aboutir, malgré tous les efforts, qu’à une dépense inutile d’adresse et aux fatigues sans profit du talent.

Cependant l’incomparable génie de Michel-Ange s’annonçait dans des travaux d’une bien autre audace. La Piètà, le David, venaient de révéler, en même temps que le plus grand sculpteur dont l’Italie dût se glorifier, une méthode absolument nouvelle, un art sans