Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ensuite tout à leur aise. A Lacédémone, il remet en vigueur les anciennes lois. A Olympie, il assiste aux jeux, presque adoré par la foule. De là il passe en Crète ; enfin il se rend à Rome.

Néron régnait. Ennemi des philosophes, il les persécutait sous prétexte qu’ils étaient magiciens. Aussi la plupart des disciples d’Apollonius le quittent-ils, n’osant point affronter avec lui les fureurs du tyran ; mais Apollonius, qui n’a peur de rien, entre dans la capitale et passe ses journées dans les divers temples, où ses discours religieux font une sensation immense. Tegellinus, le préfet du prétoire, le fait arrêter comme séditieux ; mais, frappé de ses étonnantes réponses et croyant avoir affaire à un démon plutôt qu’à un homme, il le fait élargir. Apollonius en profite pour ressusciter une jeune fille morte ; puis, comme Néron, partant pour la Grèce, venait d’interdire le séjour de Rome aux philosophes, il se décide à visiter le far west de ce temps-là, c’est-à-dire l’Espagne et l’Afrique.

Là encore il est témoin d’une foule de choses merveilleuses, entre autres du phénomène des marées, qu’il explique doctement par l’action de vents sous-marins qui sortent de cavernes latérales à l’océan, dont ils sont la respiration. Nous reconnaissons ici le point de vue fondamental de la vieille philosophie de la nature, qui partit toujours de l’idée que le monde est animé. C’est pendant ce voyage que la nouvelle du soulèvement de Vindex dans les Gaules vient le réjouir. Son biographe laisse entendre qu’il l’avait lui-même préparé de concert avec le gouverneur de la Bétique. En Sicile, il apprend la fuite et la mort de Néron, et prédit la courte durée du règne de ses trois premiers successeurs. Il reparaît, en Grèce, visite Chio, Rhodes, toujours en réformateur, et enfin débarque à Alexandrie, car depuis longtemps il éprouvait le désir d’étudier sur les lieux mêmes la sagesse égyptienne, dont on parlait tant alors. C’est là que Vespasien, aspirant à l’empire, confère avec lui sur l’art de gouverner, et qu’il s’attire l’inimitié d’Euphrate, un de ses premiers admirateurs, devenu conseiller de Vespasien, lequel eut désiré que celui-ci rétablît la république romaine ; mais Apollonius, en vrai pythagoricien, n’est que médiocrement libéral. Le despotisme éclairé, tel est son idéal. « Le gouvernement d’un seul, lorsqu’il veille au bien de tous, voilà, dit-il, la vraie démocratie. » Inutile d’ajouter que Vespasien est tout à fait du même avis. Vers le même temps, le philosophe devin reconnaît le roi Amasis dans un lion apprivoisé et lui fait rendre les honneurs dus à son rang. Il s’embarque enfin sur le Nil, suivi de ses disciples les plus courageux, et remonte le fleuve sur un bateau du haut duquel il prononce des discours religieux, « Cela ressemblait à une théorie. » Il arrive au pays des gymnosophistes, ces sages égyptiens qui se sont