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apparence, et qui pourtant ne s’expliquent bien que dans le courant d’idées que nous décrivons ici. Ces deux empereurs permirent aux païens d’instituer Hercule leur héritier, ce qui valut promptement de grandes richesses aux temples et aux prêtres de ce dieu populaire. En même temps, tout en refusant de persécuter les chrétiens, Septime Sévère menaça de peines graves les païens qui, à l’avenir, se feraient chrétiens. Cette loi ne paraît avoir été qu’une menace, mais l’intention qui l’a dictée est évidente. D’un côté, l’on verrait de mauvais œil que le christianisme fît des conquêtes trop rapides ; de l’autre, on veut favoriser celles que pourra faire un culte païen déterminé. Et quel est ce culte ? Celui d’Hercule, d’un dieu-soleil, ou plutôt de plusieurs dieux que Philostrate nous montre réunis sous le même nom, et qui tous sont « libérateurs, bienfaiteurs, illuminateurs » des hommes.


IV

Le résultat de cette tentative de réforme païenne, quel fut-il ? Très mince. Le fardeau à soulever était bien lourd, les bras qui voulurent le soulever bien faibles. On ne peut que sourire aujourd’hui à l’idée que des esprits sérieux aient cru un seul moment que l’astre du Christ des Évangiles pâlirait devant l’apparition d’un Apollonius de Tyane. Si l’histoire enregistre assez de faits attestant que le culte de ce parangon de sagesse infuse fut plus prolongé que ne le pensent ceux qui ne voudraient voir qu’un roman amusant dans sa biographie, elle nous défend d’admettre que le plan de réforme incarné dans sa personne ait exercé une action profonde sur les esprits ou les institutions.

Un échec signalé de cette œuvre réformatrice fut que les grands philosophes païens d’Alexandrie, Porphyre, Jamblîque, peu amis du christianisme, animés, eux aussi, du désir de purifier le paganisme mythologique, refusèrent d’adopter le réformateur que leur proposait Philostrate, et dont l’autorité eût si bien confirmé leurs doctrines théurgiques et extatiques. Il se pourrait que le langage du biographe sur la sagesse égyptienne eût provoqué cette résolution. Qui sait si Philostrate n’avait pas fait habilement sa cour à Julia Domna en censurant comme nous l’avons vu l’Égypte philosophique et religieuse ? Il paraît qu’à Alexandrie surtout les rieurs s’étaient égayés aux dépens de la fille du hiérodule d’Emèse devenue impératrice et philosophe. Cependant il faut croire aussi que le personnage réel du Christ païen ne se prêtâit décidément pas à la transfiguration qu’il avait reçue des mains de Philostrate. L’intérêt dogmatique faisant défaut, il n’est point nécessaire de