armes à feu à longue portée. Les corps réguliers qui composent les armées sont les instrumens naturels de la stratégie, et grâce aux principes de tactique militaire ils doivent, après des marches et des contre-marches savantes, arriver à heure dite et à point nommé sur les vastes champs de bataille de l’Europe. Dans ce duel en champ clos, les masses concentrées s’entre-choquent : c’est Austerlitz ou Waterloo ; mais il est des temps et des pays où la lutte prend forcément un autre caractère. L’ennemi, qui se sent incapable de résister en ligne aux troupes aguerries, abandonne brusquement les voies tracées par la grande guerre, il éparpille ses forces ; servi par sa connaissance exacte des lieux, il profite des moindres accidens de terrain. Si le climat est dans certaines zones malsain pour l’assaillant, il y appelle la défense et se fait insaisissable, tout en harcelant son adversaire. La guerre de partisans est inaugurée. C’est alors que les corps réguliers, grosses machines difficiles à mouvoir, cèdent la place à des corps irréguliers qui ont leur raison d’être dans leur indépendance même et leur légèreté.
La conquête de l’Algérie a produit les tirailleurs algériens et les spahis. La Crimée a vu naître nos bachi-bozouks de la Dobrutscha, trop cruellement décimés par les maladies[1]. Au Sénégal, en Chine et en Cochinchine, les contingens français se sont adjoint des troupes auxiliaires spéciales. La création d’une contre-guérilla au Mexique était donc recommandée par des exemples justement célèbres et nécessitée de plus par l’état du pays. Au Mexique comme autrefois en Espagne, dès l’arrivée des Français, des guérillas ou bandes de partisans s’étaient levées sur tous les points du territoire. L’armée française n’en marcha pas moins sur Puebla ; mais les guérillas augmentaient en nombre et en audace. On fit alors appel aux hommes de bonne volonté de toutes nations, surtout aux Mexicains et aux Français ; les contre-guérillas se levèrent à leur tour. Une mission difficile était confiée à leur courage et à leur dévouement : l’extinction du banditisme, qui aujourd’hui encore désole le Mexique sous le prétendu drapeau de l’indépendance. Les atrocités qu’on allait avoir à punir n’avaient rien de commun avec la défense toujours légitime d’un peuple contre l’invasion étrangère ; elles devaient être poursuivies sans pitié ni merci.
Le territoire de l’empire mexicain se divise, on le sait, en trois zones distinctes. La première, connue sous le nom de terres chaudes
- ↑ Voyez, sur les bachi-bozoucks de la Dobrutscha, la Revue du 15 octobre 1859.