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tribu lui ayant annoncé des dispositions à venir à lui, il envoya sur sa demande, pour l’instruire, six missionnaires qui furent trahis pendant le trajet et tombèrent dans une embuscade. Attaques à l’improviste, trois périrent en combattant, un quatrième fut assommé en voulant s’évader, et les deux derniers, Zayd et Khobayb, furent vendus aux coraychites et mis à mort d’une manière qui rappelle le supplice des martyrs. Transporté de douleur et d’indignation, Mahomet, pour punir Abou-Sofyân comme chef des coraychites d’avoir trempé dans cet acte de cruauté, ordonna à Amr, fils d’Omeyya, de s’introduire dans La Mecque et de le tuer. Abou-Sofyân fut averti, et Amr n’eut que le temps de s’échapper.

Cependant la fortune des armes redevint favorable à Mahomet, et il marcha sur La Mecque avec dix mille hommes. La ville, ainsi sur prise, ne pouvait résister. Mahomet permit alors à son oncle Abbâs de monter sur sa propre mule, d’aller trouver les coraychites et de leur conseiller de se soumettre pour éviter une ruine certaine. Abbâs rencontra hors des murs Abou-Sofyân, qui était sorti avec une escorte pour faire une reconnaissance. « Holà ! père de Hanzhala, lui dit-il. — Est-ce toi, père de Fadhl ? répond Abou-Sofyân, reconnaissant sa voix. Quelle nouvelle ? — Le prophète est ici avec dix mille musulmans ; il va vous écraser. — Et que faire ? — Te rendre à Mahomet ; j’obtiendrai ta grâce. Autrement tu seras mis à mort. » Abou-Sofyân monte en croupe sur la mule d’Abbâs, et, suivi des siens, il se rend au camp. Comme il y entrait, Omar, qui faisait une ronde, le reconnaît. « Tu n’as point de sauvegarde, lui dit-il. Louange à Dieu qui te livre entre mes mains ! » Il court alors demander à Mahomet la permission de trancher la tête à son ennemi ; mais Abbâs l’a suivi, il implore la clémence du maître. « J’accorde sûreté et protection à Abou-Sofyân, dit Mahomet. Demain matin, Abbâs, tu me le présenteras. » Dès que le jour eut paru, Abbâs le conduisit à Mahomet. « Eh bien ! dit celui-ci, Abou-Sofyân, confesses-tu maintenant qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah ? — Oui, répondit Abou-Sofyân. — Ne confesseras-tu pas aussi, ajouta Mahomet, que je suis l’envoyé d’Allah ? — Pardonne à ma sincérité, reprit Abou-Sofyân ; sur ce point, j’ai encore des doutes. — Malheur à toi ! s’écrie Abbâs. Rends témoignage au prophète, ou ta tête va tomber ! » Abou-Sofyân céda et prononça la formule décisive, que répétèrent ses compagnons.

Alors le politique Mahomet ordonna que tout homme de La Mecque qui entrerait dans la maison d’Abou-Sofyân fût épargné, que ceux qui se réfugieraient dans l’enceinte du temple le fussent également, qu’il en fût ainsi de quiconque se retirerait dans la maison du principal compagnon d’Abou-Sofyân, ou qui fermerait les portes