de sa demeure et s’y tiendrait tranquille. Peu après, Abou-Sofyân, assistant au défilé de l’armée musulmane, s’écriait en voyant Mahomet entouré de sa garde d’élite : « Quels sont ces hommes ? — C’est, dit Abbâs, l’apôtre de Dieu environné de Mohâdjir et d’Ansâr. — En vérité, reprit Abou-Sofyân, la royauté du fils de ton frère est imposante. — La royauté, répliqua Abbâs, que dis-tu ? As-tu déjà oublié que le fils de mon frère n’est pas un roi, mais un prophète ? — C’est vrai ! » dit Abou-Sofyân, et, devançant la marche de l’armée, il courut à La Mecque engager ses concitoyens à accepter Mahomet pour maître.
Mahomet avait beaucoup de confiance et de tendresse pour Zeïd, fils de Hâritha. C’était un jeune esclave chrétien qu’il avait affranchi, son disciple, son confident et son fils adoptif. Il l’avait marié à sa cousine Zaynab. Elle était d’une grande beauté, et Mahomet, l’ayant un jour surprise seule et dans un négligé qui la rendait plus séduisante, ne put s’empêcher de s’écrier : « Louange à Dieu qui dispose des cœurs ! » Zaynab comprit ces paroles et les redit à Zeïd, qui, soit zèle et dévouement, soit inquiétude et jalousie, résolut de la répudier. Il persista dans cette résolution malgré Mahomet, qui tenta de l’en détourner ; mais quand Zaynab fut libre, le prophète l’épousa : il avait cinquante-sept ans. Ce mariage avec la femme de celui qu’on appelait désormais le « fils de Mohammed » était contraire aux usages, et des murmures se firent entendre ; mais le prophète récita cette parole de Dieu, qui est écrite dans le Coran : « Tu cachais dans ton cœur un amour que le ciel allait manifester, tu appréhendais les discours des hommes, et c’est Dieu qu’il faut craindre. Zeïd répudia son épouse. Nous t’avons uni avec elle, afin que les fidèles aient la liberté d’épouser les femmes de leurs fils adoptifs après la répudiation. Le précepte divin doit avoir son exécution. »
On peut voir dans ces récits comment les mœurs de l’Arabe, les faiblesses et les violences, les ressentimens et l’orgueil de la puissance se mêlaient à la générosité naturelle et à la conviction religieuse dans cette âme forte et passionnée. Et l’on peut voir en même temps comment de quelques épisodes historiques se tirait jadis une tragédie classique, car cet Abou-Sofyân dont Mahomet voulait un moment la mort, ce Zeïd dont il aima la femme, ne sont pas. moins que le Zopire et le Seïde de Voltaire.
Il ne faudrait pas cependant que ces disparates et ces fautes dont n’est exempte peut-être la vie d’aucun des grands hommes de l’histoire ramenassent Mahomet au rang de ces séducteurs qui ont volontairement abusé l’humanité. Dans son rôle de révélateur, il a certainement porté la vertu indispensable, la sincérité. Il avait foi