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cependant il y a des personnes qui soutiennent aveuglément que les Vénitiens sont dégénérés, indignes de la liberté, que les Italiens ne se battent pas, que leur pays est le pays des morts. C’est pour répondre à ces accusations que nous avons montré ce qu’il reste encore de vitalité à Venise asservie à côté de Milan libre. Qu’on se rassure, Venise reste digne d’un meilleur avenir, elle attend sans faiblir le jour où se réalisera le vœu de Manzoni :

Non fia loco dove sorgan barrière
Tra l’Italia e l’Italia mai più.

Qu’il me soit permis d’ajouter quelques mots après avoir exprimé cette confiance dans l’avenir de Venise. Il me semble qu’on pourrait accuser d’injustice un Anglais prônant l’œuvre qui s’accomplit aujourd’hui en Italie sans reconnaître la grande part qu’y a prise la France. Sans doute elle n’est pas intervenue dans la guerre de 1859, déclarée par l’Autriche au Piémont, pour former une seule nation des divers états dont se composait l’Italie, et elle ne voulait que construire contre le retour de l’Autriche le rempart d’un royaume de l’Italie du nord ; mais n’était-ce pas déjà là un grand bienfait pour les Italiens, un véritable triomphe pour la cause de la liberté et du bon droit ? Où en seraient maintenant l’Italie et le Piémont, si la France s’était bornée à leur prêter en 1859, quand l’Autriche passa le Tessin, cet appui de paroles et de dépêches dont nous avons vu l’effet dans les questions polonaise et danoise ? L’Italie ne pleurerait-elle pas encore aujourd’hui comme pleure la Pologne ? Le Piémont n’aurait-il pas subi les mêmes malheurs que le Danemark malgré son admirable armée, qui s’est si bien montrée eu Crimée, mais qui était, comme celle du Danemark, peu nombreuse ? Grâce à la France, ces malheurs ont pu être évités. Sa part dans la création de la liberté italienne est donc assez belle pour que l’Angleterre sache la reconnaître et s’associer avec une sympathique ardeur à l’œuvre commencée.


J.-W. PROBYN.