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mouvement et capable d’ouvrir en analyse pure des voies entièrement nouvelles ; de tels essais, infructueux et nuls dans leurs résultats immédiats, précèdent souvent les chefs-d’œuvre et les préparent, parce qu’ils perfectionnent l’instrument des recherches en enseignant à le manier avec plus d’élégance et de sûreté.

La théorie de la précession des équinoxes, publiée en 1749, marque un nouveau progrès dans le talent de d’Alembert. Assuré cette fois de bien connaître la cause du phénomène, il pousse le calcul jusqu’aux dernières conséquences et dégage de ses formules les lois simples et les chiffres exacts que de récentes et délicates observations avaient fait connaître. Le phénomène de la précession des équinoxes, signalé par Hipparque, 130 ans avant notre ère, consiste dans le déplacement continu des points équinoxiaux où le plan de l’équateur rencontre celui de l’écliptique ; l’un de ces plans au moins change donc avec le temps ; la comparaison de chacun d’eux avec les étoiles montre avec évidence, dans le déplacement de l’équateur et par suite de l’axe terrestre, la cause du phénomène. La terre, Copernic a osé l’affirmer, ne tourne donc pas toujours autour du même axe ; mais quelle peut être la cause de cette rotation si régulière et si lente, et la signification des vingt-six mille ans nécessaires pour en accomplir la perfection ?

Cette recherche avait occupé et découragé l’imagination si hardie de Kepler, et l’honneur d’en révéler le secret était réservé à Newton. La terre n’étant ni homogène ni parfaitement sphérique, les forces d’attraction de la lune et du soleil qui déterminent et troublent son mouvement elliptique ne passant pas rigoureusement par son centre, il en résulte qu’en la déplaçant dans l’espace, elles tendent en même temps à lui imprimer un mouvement de rotation qui, se combinant avec celui qu’elle possède déjà, altère incessamment la direction de l’axe autour duquel elle tourne. Pour calculer avec précision les lois d’un tel phénomène, il fallait créer la théorie du mouvement d’un corps solide sollicité par des forces connues ; cette théorie manquait à Newton, et les considérations par lesquelles il tente d’y suppléer sont sans rigueur comme sans exactitude. D’Alembert vit dans ce nouveau problème une belle application de son principe de dynamique, et après avoir fait connaître la méthode exacte relative au cas général, il en déduit habilement non-seulement les lois de la précession, mais celles de la nutation, récemment révélées par les observations de Bradley.

En 1747, d’Alembert avait présenté à l’Académie des Sciences de Paris un mémoire sur le problème des trois corps dont l’apparition marque pour la mécanique céleste le commencement d’une période nouvelle de découvertes et de progrès. La théorie de la