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cheveu de son ennemi réfugié sous sa tente, et qui défendrait un inconnu, son hôte, au péril de ses jours, a assassiné tous ses parens. L’Arabe est crédule, et en même temps il ne se fait pas scrupule de trahir ses alliés; seulement il ne les trahira pas volontiers d’une certaine manière et dans certaines circonstances. S’il le fait, c’est avec la conscience de pécher, et il y perd une partie de sa considération. Il existe d’ailleurs dans son esprit une fâcheuse distinction entre la foi privée et la foi publique. Non-seulement une telle disposition est triste au point de vue de la morale, mais elle a de funestes conséquences dans l’ordre politique elle contribue beaucoup à produire dans la péninsule ces continuelles révolutions qui épuisent le pays et qui facilitent la domination étrangère. Les Turcs sont très habiles à profiter de la mobilité et de la crédulité des Arabes; mais il faut l’avouer, et nous avons eu malheureusement occasion de le constater, les fonctionnaires ottomans n’ont pas donné aux indigènes l’exemple de la bonne foi et de la moralité, et ne leur inspirent aucune confiance. Leurs manières fières et froides choquent les Arabes, plus brillans et plus expansifs; leur mauvaise prononciation de la langue arabe leur fait aussi grand tort néanmoins ils réussissent presque toujours à venir à bout des indigènes.

L’Arabie offre en définitive, ces récits l’ont prouvé, des individualités singulièrement puissantes le grand-chérif Ibn-Aoun dans le Hedjaz, — Saoud, Abd-Allah, les Ibn-Raschid, dans le Nedjd et le Djebel-Shammar, — Thamy dans l’Acyr, — le chérif Hussein dans l’Yémen. C’étaient des hommes énergiques et doués des qualités les plus brillantes. On ne peut se défendre de s’intéresser à eux, surtout quand on se rappelle qu’après avoir joué un rôle grand et mérité, ils ont presque tous péri de mort violente.

Nous avons déjà eu occasion de parler des femmes arabes. Qu’il nous soit permis de revenir sur ce sujet, car c’est au degré de respect que l’homme porte à la femme et à l’autorité morale qu’il lui accorde qu’on reconnaît la valeur d’une société. Loin de moi la pensée de me faire le défenseur de la polygamie, et en général de la condition que les antiques mœurs de l’Orient, plutôt que l’islamisme, y ont faite aux femmes; mais il faut se garder de croire qu’elles y soient partout et toujours un objet de mépris. Dans les temps anté-islamitiques, le héros Antar tue un esclave parce qu’il n’avait pas respecté « les femmes arabes. » Le roi Zoheïr loue alors Antar par ces paroles « Voilà un garçon qui combattra l’injustice et sera zélé pour les femmes! » Il en est encore de même parmi les Bédouins et les montagnards. Excepté dans quelques villes, les femmes de l’Arabie jouissent d’une grande liberté et souvent d’un grand pouvoir dans leurs maisons; elles ont paru à Niebuhr aussi