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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/113

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heureuses que le peuvent être celles de l’Europe. M. Botta fait l’éloge des montagnardes de l’Yémen; il a remarqué la parfaite aisance de leurs manières. Ces femmes ne manquent pas non plus de fierté; ainsi Mohammed-Pacha fut empoisonné en 1853 par une fille de l’Yémen qu’il avait entraînée de force dans son harem. La polygamie est rare, le divorce l’est moins; mais il faut remarquer d’abord que les femmes peuvent aussi le demander, en second lieu qu’il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’en Asie pour constater les inconvéniens des unions précaires. D’ailleurs la femme arabe conserve sa dot avant et après le mariage, ce qui est une condition d’indépendance. J’ajouterai, d’après le témoignage répété de Burckhardt, que dans les désordres de la guerre les femmes sont toujours respectées.

Toutefois ce qui atteste le plus que les femmes des montagnards et des Bédouins ne sont pas des esclaves, c’est la part qu’elles prennent à la vie morale de la tribu. Un voyageur que nous avons souvent consulté, M. Wallin, a remarqué la piété des femmes wahabites dans le Djebel-Shammar. Le vieux tyran du Nedjd a une Égérie c’est une de ses filles qui depuis trente ans écrit toute sa correspondance diplomatique. Au siège de Rass en 1817, les femmes vinrent éclairer les défenseurs dans un combat nocturne en agitant des torches de palmes de dattier qu’elles avaient enduites de résine. Pendant l’un des combats contre Ibrahim-Pacha autour de Derryeh, elles portaient à boire aux combattans, comme les dames françaises dans la chanson d’Antioche, et comme les jeunes filles des Beni-Abs qui viennent exciter « leurs guerriers » dans le roman d’Antar. Enfin la tribu des Begoun était conduite à la guerre par une femme nommée Ghalié, qui inspirait une terreur superstitieuse aux Turco-Égyptiens. Ce n’est point un fait isolé M. Palgrave parle d’une jeune fille de la tribu des Ajmans qui, montée sur un chameau, animait par ses chants le courage des guerriers, et qui fut tuée au premier rang dans un combat contre les Nedjdli.

Aux Arabes de la péninsule sont mêlées d’autres populations qui méritent une mention spéciale, quoique rapide je veux parler des Banians et des Hadramauts. Les Banians, originaires de l’Inde, sont répandus dans toute la Mer-Rouge, où, en s’associant, ils ont réussi à accaparer presque tout le commerce. On dirait une communauté religieuse appliquée aux questions de négoce. Chacun d’eux a fourni primitivement une mise de fonds pour laquelle il a droit à une part proportionnelle sur les bénéfices généraux. A chaque membre de l’association est assignée une fonction spéciale. Les uns s’occupent de l’administration intérieure et des détails les plus