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Ce n’est pas toutefois dès sa première étape, c’est-à-dire à Bonn, résidence de l’électeur de Cologne, que M. d’Escars rencontra le plus d’ardeur favorable au parti des émigrés. La double raison en était le caractère du prince-électeur, Maximilien, frère de Marie-Antoinette, et sa dépendance de l’Autriche. Les grandes cours montraient elles-mêmes et imposaient à celles qui subissaient leur influence immédiate plus de réserve que les petits états, et elles les retenaient quelquefois. Quant au prince-électeur, doué de peu d’initiative et fort timide, c’était le même qui, lors de son voyage en France, visitant à Paris le Jardin du Roi, avait répondu à Buffon lui offrant un exemplaire de ses œuvres : « Je ne veux pas vous en priver! » Il avait fallu que Joseph Il, son frère, pendant son voyage de 1777, réparât la faute en allant faire visite à Buffon, pour prendre, expliqua-t-il, les précieux volumes que le jeune archiduc avait oubliés. M. d’Escars le trouva, dans son électorat de Cologne, extrêmement froid sur les événemens de la France, et même, ajoute-t-il, sur les insultes déjà faites à la reine sa sœur, du reste tout absorbé dans sa liaison avec la femme d’un des ministres étrangers qui résidaient à sa cour ce n’était guère qu’à table, à dîner ou à souper, qu’on pouvait parler avec lui; tout le reste de son temps était absolument consacré à sa maîtresse.

En revanche, l’électeur de Mayence, un simple gentilhomme, baron d’Erthal, mais par son titre chancelier de l’empire et directeur de la diète, témoignait d’un grand zèle. « Je n’ai jamais rencontré, dit M. d’Escars, de prince plus prononcé contre la révolution française et en calculant mieux les dangers. Sa cour était brillante il tenait l’état le plus splendide. J’étais sans cesse invité à dîner et à souper, non-seulement aux grands repas de cérémonie, mais aussi dans la société particulière de l’électeur, chez Mmes de F… et de G… qu’on appelait tout bas ses deux ministres. « J’allai de là à la très petite cour de Bruchsal, résidence de l’évêque-prince de Spire. Cette souveraineté était alors occupée par un comte de Limbourg-Vehlen-Styrum. On ne pouvait avoir des états plus voisins de la France; on ne pouvait aussi être plus ennemi des nouveaux principes. Il connaissait à fond la constitution et le droit germaniques, et adressait aux diverses cours allemandes ainsi qu’à la diète des notes très fortes et très bien rédigées dans l’importante vue de préserver l’Allemagne et tous ses princes des dangers de la propagande qui travaillait déjà tous les états voisins de la France.

De Bruchsal, M. d’Escars se rendit chez le duc de Wurtemberg, à Stuttgart. Jusque-là il avait été satisfait des dispositions de noc ministres auprès des petites cours d’Allemagne, de M. de Maulevrier à Bonn et du comte d’Okelly à Mayence; mais ici M. de Mac-