Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

thousiaste pour le nouvel ordre de choses. « Des armées conquérantes, quelles qu’elles soient, n’y pourraient posséder que le terrain qu’elles occuperaient. » De plus, une invasion compromettrait la sécurité du roi de France, Tout cela n’empêche pas le roi d’Espagne de promettre sa coopération et un secours d’argent quand il en jugera le moment nécessaire. Écrites par le même prince qui, au lendemain de Varennes, n’avait pas craint de rappeler la constituante au respect de la dignité et de la liberté de Louis XVI, et qui bientôt après allait se compromettre pour le sauver, ces lignes montrent bien que l’œuvre de la coalition n’était pas encore avancée, et surtout que Gustave III n’était pas fait pour devenir l’Agamemnon de tant de rois. Le seul succès fut d’avoir obtenu la neutralité du roi d’Angleterre; mais Pitt attendait.

En réalité, le projet de coalition s’élaborait avec beaucoup de lenteur sous la conduite de l’empereur d’Autriche et en dehors des négociations entamées directement par Gustave III et les princes. Ce n’était pas œuvre facile de réunir des puissances jalouses entre elles et divisées par de nombreux intérêts; si la Prusse et l’Autriche se rapprochèrent, ce fut en vertu de leur commune convoitise à l’égard de la Pologne, dont elles préparaient déjà le second démembrement. Tous les cabinets étant occupés des affaires de France, l’occasion leur paraissait favorable. Tel fut, à n’en pas douter, le principal objet de l’entrevue de Pillnitz et des six articles secrets signés le 26 août 1791 ; mais tel n’était pas le sens de la fameuse déclaration du 27, véritable défi jeté par les deux souverains à la révolution française en leur nom et au nom de tous les rois de l’Europe. On a voulu nier, surtout en Allemagne, que cette déclaration fût un manifeste, la première pierre de la coalition, le commencement de la longue guerre européenne. — Cette déclaration, a-t-on dit, n’a été qu’une concession arrachée par le comte d’Artois, qui, sans y avoir été invité, était parvenu à prendre part aux dernières conférences. La preuve, c’est que nuls préparatifs ne suivirent, et que, lors de la déclaration de guerre faite à quelque temps de là par la France, le 20 avril 1792, les puissances furent prises au dépourvu. Le jour même où la convention venait d’être signée, Léopold écrivait à son ministre Kaunitz que cet acte n’engageait absolument à rien, et ne contenait que des déclarations générales sans portée.

Il est vrai que Léopold parut surpris de l’effet produit en France par la déclaration de Pillnitz; il en attribua le retentissement aux imprudens commentaires des princes. Il leur écrivit que le roi de Prusse et lui ne l’avaient pas entendue de la sorte, croyant nuisibles toutes prochaines démarches contre la France, et ils tentèrent