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même, par des commentaires semi-officiels dans les gazettes, de représenter leur manifeste comme nul et non avenu. Vains et puérils efforts pour revenir sur une démarche indiscrète, qui, si elle ne dénonçait pas officiellement la guerre, n’en était pas moins une insulte sanglante à la révolution! Si le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche n’avaient pas saisi le vrai sens des paroles que le comte d’Artois et le parti des princes obtenaient d’eux, s’ils avaient cru n’apposer leurs signatures qu’à des « déclarations générales sans portée, cela montre seulement que, dans ce trop célèbre épisode de Pillnitz, la clairvoyance de leur conduite publique égalait la générosité de leur politique secrète. Quant aux princes français, si on veut leur faire honneur ici d’un triomphe, il faut se rappeler que ce triomphe imprudent, sans compter les nouveaux déboires dont il fut l’occasion pour Louis XVI, tourna contre la cause royaliste, puisque la France avertie arma de toutes parts, on sait avec quelle ardeur, et opposa; quelques mois après, ses jeunes conscrits de 1792 à la coalition qui se cherchait et s’interrogeait encore. Les premières victoires que la révolution a remportées sur la frontière, elle les a dues au défi insensé de Pillnitz.

Des différens chefs que s’était donnés le parti de l’émigration extrême, l’un, le comte d’Artois, avait donc tout compromis par sa conduite impolitique, et l’autre, Gustave III, risquait de tomber, par des fautes analogues, dans un entier discrédit. Cependant les illusions de ce dernier, au lieu de s’en diminuer, grandissaient au contraire et l’entraînaient à de nouvelles imprudences, jusqu’au jour où il s’apercevrait avec dépit qu’on ferait sans lui la coalition, ou du moins qu’il lui faudrait renoncer à son beau rêve d’abondans subsides et de commandement suprême. Le peu de compte qu’allait faire de lui le parti du roi, dans ses nouveaux plans après l’échec du parti des princes, pouvait lui faire prévoir cette issue.


III.

Gustave III était rentré dans sa capitale au commencement du mois d’août 1791, le front haut, en homme sur qui reposaient d’autres destinées encore que celles de son royaume. L’activité fiévreuse de son séjour à Aix-la-Chapelle s’était continuée en vue du grand rôle auquel il se destinait. Il avait d’abord renouvelé ses promesses de secours à Louis XVI, qui lui répondit[1] :


« Monsieur mon frère et cousin, je viens de recevoir les lignes dont vous m’avez honoré à l’occasion de votre retour. C’est toujours un grand sou-

  1. Lettre sans doute inédite, au moins en France.