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de lui en lui donnant dans Addington un ministre selon son cœur. Dira-t-on qu’il ne pensait pas qu’Addington ni le roi iraient jusqu’au bout? Mais quand il vit que la chose était sérieuse, que le roi était passionnément décidé, si passionnément que sa tête n’y résista point pendant quelques jours, il fut tellement surpris qu’il fut troublé. Il craignit d’avoir pour jamais aliéné le roi, planté dans cet esprit inflexible et agité une idée fixe avec tous ses dangers, et alors, chose incroyable, il renonça dans le présent et dans l’avenir à l’émancipation des catholiques comme condition de gouvernement. Il prit avec lui-même l’engagement de ne plus l’exiger. Il fit plus, il voulut que le roi en fût instruit, et si ce prince ne lui eût pas de très bonne foi préféré Addington et l’eût prié de retirer sa démission, je ne vois pas sous quel prétexte elle aurait été maintenue. On est allé jusqu’à dire qu’il s’attendait à être rappelé, et que l’inflexibilité du roi fut pour lui un nouveau sujet d’étonnement. Ce qui est certain maintenant, c’est qu’il se promit bien alors de ne plus troubler le repos ni la raison de son souverain par la moindre exigence en faveur des catholiques. Cette détermination lui fait peu d’honneur sous tous les rapports. J’en avais bien lu quelque chose dans une lettre de Fox; mais je savais avec quelle crédulité malveillante deux rivaux politiques admettent toute chose l’un sur le compte de l’autre. Il faut bien le dire, la correspondance de Fox ne respire pas l’impartialité il n’accorde rien à son noble adversaire, pas même l’estime; mais cette fois il ne le calomniait pas. Il était vrai que l’auteur de la réunion de l’Irlande à l’Angleterre renonçait, pour ne pas faire de peine à un roi dont il n’était ni aimé ni compris, à proposer jamais une mesure de justice et de réparation qu’il avait promise. Sur cette grande question, qui allait pendant vingt-huit ans devenir la pierre de touche de toutes les politiques, Pitt déclarait s’abstenir désormais.

Nous arrivons à la dernière partie de sa vie politique, celle qu’il commence attendant sur son banc à la chambre des communes l’occasion d’un retour au pouvoir. Opposant de cœur, ministériel de tangage pendant ces trois années d’expectative, on pourrait bien voir dans cette conduite, équivoque à dessein, une crainte mesquine de se compromettre et d’envenimer les blessures que sa retraite avait pu laisser dans le cœur ou l’orgueil du roi. Il met en avant l’intérêt de l’état, qui ordonne d’appuyer le pouvoir avant tout, les dangers de la politique de l’opposition, les griefs qui le séparent d’elle, enfin le repos et la santé du roi, qui veulent et légitiment tous ces ménagemens. C’est à merveille; mais sitôt que la patience lui échappe, qu’il voit l’opinion des chambres et du public ébranlée, il ne s’inquiète plus d’agiter l’état, d’ébranler le pouvoir,