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de provoquer une crise ministérielle ou électorale, et de pactiser avec l’opposition au risque de causer au roi un nouvel accès de folie. Il donne l’assaut au ministère avec toutes les forces d’une coalition. Je ne le lui reproche pas; mais comment concilier avec ce franc jeu de la stratégie parlementaire les scrupules et les hésitations de la conduite qui a précédé, de la conduite qui a suivi? Cette coalition formée pour combattre, il consent un peu tard à la maintenir pour gouverner; il annonce que si le roi l’appelle, il lui proposera la formation d’un cabinet où Fox lui-même trouvera sa place. Lord Stanhope a répété qu’il était sincère dans ce dessein; lord Macaulay accorde la sincérité, mais regrette de ne la pas voir accompagnée de la persévérance. Je ne sais pas même, quant à moi, si Pitt fut sérieux. Il connaissait le roi, il savait que dès sa jeunesse ce prince avait eu pour ambition de soustraire le choix de ses ministères aux nécessités parlementaires, qu’il détestait l’opposition, particulièrement l’opposition whig, et Fox plus que toute l’opposition whig. Eh bien dans une lettre adressée à lord Eldon et destinée à être lue par le roi, Pitt propose et motive la formation d’un cabinet où lord Grenville et Fox siégeraient avec lui; mais il promet de ne plus importuner sa majesté de l’affaire des catholiques, et, en la priant de prendre ses vues en considération, il ajoute que si elle a des objections à quelque partie de son plan, il est prêt à consentir à ce qu’elle décidera, et à obéir, si elle lui commande de former un plan d’administration qui n’encourrait pas les mêmes objections. C’était mettre le roi bien à l’aise. C’était, d’une part, promettre ce qu’il n’était pas sûr d’obtenir de Grenville et de Fox, et quant à lui c’était se rendre sans condition. Une fois assuré d’avoir dans tous les cas un ministère dont Pitt serait le chef, le roi pouvait parler en maître. Aussi il commence par le rejeter bien loin, et ne veut pas même le recevoir, afin de lui faire sentir combien ses propositions lui déplaisent. À ce refus d’audience, Pitt, moins accommodant sur les procédés que sur la politique, ne veut pas écrire davantage et dit qu’il renonce. Le roi cède aussitôt, comme peut-être il eût cédé sur tous les autres points à la même menace. Pitt, qui ne l’avait pas vu depuis trois ans, lui parle raison et obtient grâce pour Grenville et quelques amis de Fox. Il en reste là, quoiqu’il dût bien penser que les whigs ne se sépareraient pas de Fox, ni les Grenville des whigs. S’il ne le pensait pas, c’est qu’il était tombé, à l’égard du roi, de la prérogative royale et des règles de l’existence parlementaire, dans un état d’esprit peu digne de lui. Aussi abandonna-t-il aussitôt toute idée de coalition et accepta-t-il le pouvoir à des conditions qu’il avait d’avance déclarées mauvaises.

Faut-il le regretter? C’est une autre question. Le consentement