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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/190

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riture elle-même. Chez le chevreuil, nous trouvons un petit arc osseux sans dents, pour arracher l’herbe et les feuilles; chez le bœuf, nous trouvons à peu près les mêmes formes, mais plus larges, plus épaisses, plus fortes, en harmonie avec les besoins de l’animal[1]. » Tant il est difficile en histoire naturelle, quand on veut s’éclairer sur les analogies et les différences des êtres, de se priver absolument de la considération de la fonction que Goethe lui-même définit admirablement « l’être en activité. »

Nous ne voulons pas engager le débat; nous nous contenterons de poser une question aux partisans absolus de Geoffroy Saint-Hilaire. Le raisonnement par lequel ils excluent de leur méthode la considération de la fonction, pour s’en tenir à l’unité organique et à la loi des connexions, est-il d’une logique aussi solide qu’elle est spécieuse? Au fond, l’unité de dessein, suivie aussi loin que possible dans la nature sans compromettre les différences spécifiques, est-elle contraire aux causes finales? Est-il vrai qu’elle en soit la condamnation? On nous dit qu’un organe remplit dans deux êtres les rôles les plus divers, que réciproquement la même fonction peut être remplie par des organes très différens, qu’on rencontre certains organes si peu développés chez quelques animaux qu’ils ne leur servent absolument à rien. Soit. Qu’on accumule autant que l’on voudra les exemples de cas analogues, qui seraient, ajoute-t-on, des antinomies dans la théorie des causes finales et qui s’accordent à merveille avec le principe de l’unité organique. Qu’est-ce que cela prouve? C’est que la conformation de chaque animal peut s’expliquer de deux manières, qui tantôt se rencontrent, tantôt se suppléent réciproquement dans l’anatomie comparée d’abord par sa fin propre, par sa fonction, puis par la forme du genre supérieur auquel appartient son espèce et qui a laissé de lui-même comme un témoignage, un indice persistant dans beaucoup de cas, même quand ce commencement d’organe ne peut plus être d’aucune utilité. Ces deux points de vue se concilient sans peine dans une méthode moins exclusive et plus analogue à la nature, parce qu’elle est moins systématique. Qu’une pièce osseuse en effet soit à la fois l’instrument d’une fonction et l’élément d’un plan général, les naturalistes les plus autorisés démontrent qu’il n’y a là aucune espèce de contradiction. On comprend aussi que cette pièce puisse se modifier sous une double influence, et que ces modifications puissent être indépendantes l’une de l’autre. Tantôt la fonction suffit à expliquer les déviations, les changemens sur-

  1. Seconde partie du Mémoire sur les Principes de Philosophie zoologique, discutés au sein de l’Académie des Sciences.