Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peintres, quelque chose de lâché, de l’incorrection dans la grandeur. Ces défauts ne sont pas toujours incompatibles avec la gloire politique. Ils n’ont point empêché Chatham de s’immortaliser en trois ans de ministère; mais la fortune n’a jamais accordé à Fox une situation où le pouvoir pût mettre en relief ses plus éminentes qualités. Il est toujours resté comme ministre au-dessous de sa supériorité naturelle. Le temps lui a manqué pour faire autre chose. que des efforts, et, même mieux servi par les événemens, il n’aurait probablement jamais égalé dans la conduite des affaires son heureux rival pour la suite, la constance, la dignité, le commandement. En lui succédant au gouvernement, il ne le fit donc pas oublier, et son court ministère, pour n’avoir pas été sans honneur, ne sera point pourtant de ceux qui laissent une trace brillante dans l’histoire. Lui non plus, il ne put rien faire pour les catholiques, quoiqu’il n’y renonçât pas, et, s’il avait vécu trente jours de plus, il aurait eu dans la bataille d’Iéna sa bataille d’Austerlitz.

Lorsqu’il commençait à sentir le déclin de ses forces, il disait à son neveu lord Holland, sur qui il projetait de reporter le fardeau des affaires étrangères: «Ne me trouvez pas égoïste, jeune homme; mais l’abolition de la traite et la paix sont deux si glorieuses choses que je ne puis les abandonner même à vous. Si je peux les mener à bien, alors je me retirerai. » La traite est morte de sa main; mais dans ses derniers jours il désespérait de la paix. Il accusait de fourberie la manière de négocier de la France. Il ne paraît pas cependant que l’empereur fût alors éloigné de désirer la paix; seulement, selon son usage, s’il la voulait comme fin, il était loin d’en vouloir les moyens. A la mort de Fox, il cessa d’y croire. Il le supposait, pour avoir été l’ennemi d’une guerre de principe contre la révolution française, encore plus pacifique qu’il n’était et soupçonnait ses collègues de l’être moins. C’était une erreur. Le négociateur, lord Lauderdale, qui l’impatientait par une manière formaliste de discuter, était plus disposé aux concessions que Fox lui-même, et le cabinet n’avait changé ni d’intentions ni de principes; mais toute confiance avait disparu. Le ton des notes inspirées par l’empereur contrastait avec les conversations de M. de Talleyrand, qui a toujours ambitionné de signer une paix. avec l’Angleterre. Pas plus avant qu’après la mort de Fox, lord Lauderdale n’avait été autorisé à céder la Sicile au roi Joseph, ni à traiter sans nul égard pour la Russie, qui venait de renoncer à faire une paix séparée. La négociation fut rompue au moment même où l’empereur partait pour la campagne de Prusse. La cause immédiate de la guerre était précisément l’offre qu’il avait faite de rendre le Hanovre au roi d’Angleterre. Jusqu’à la fatale année 1813, les coalitions, sans cesse for-