Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mées, brisées, refaites contre nous, n’en étaient pas venues à sacrifier tous leurs différends d’intérêts à la seule pensée de nous nuire, et l’on pouvait les diviser encore. C’est ce qui longtemps nous a sauvés. La révolution n’avait pas créé l’unité de l’Europe contre la France c’est le fruit le plus amer de la politique impériale.


II.

Ni lord Grenville, qui était alors premier ministre, ni Fox, qui dirigeait les affaires étrangères, ni lord Howick, qui lui succéda, n’entendaient la guerre comme Burke l’avait imaginée et fait accepter à demi à Pitt irrité par la révolution française. Le temps ne se prêtait pas à liguer les monarchies du continent contre une monarchie nouvelle qui ne donnait que de bons exemples de pouvoir absolu. Il fallait se borner à lancer avec plus ou moins de succès et d’à-propos des expéditions navales sur les points où l’on pouvait atteindre l’influence de la France et ce qui lui restait de colonies. On ne visait plus qu’à rivaliser avec notre grandeur continentale par la grandeur maritime. C’est même du temps de Fox, pendant que se nouaient les premières négociations de M. de Talleyrand et de lord Yarmouth, que l’amirauté anglaise avait frappé de l’interdit d’un blocus fictif tous les ports du continent depuis Brest jusqu’à l’Elbe (16 mai), et Napoléon vainqueur à Iéna, n’avait pas tardé à répondre par une fiction encore plus forcée en déclarant les îles britanniques en état de blocus (21 novembre). Ces armes étaient les seules qui restassent de part et d’autre, alors que, privée successivement de tous ses alliés, l’Angleterre était contrainte de souffrir après Iéna Eylau, après Eylau Friedland, et de laisser poser à Tilsitt les premières bases de la monarchie universelle.

Mais à cette époque le ministère était changé. Sa courte administration n’avait pas jeté un grand éclat. Ses expéditions lointaines avaient mal réussi; à l’intérieur, il avait sans nécessité prononcé une dissolution du parlement qu’il n’avait pas mieux conduite que motivée. Comme tous ceux de sa race, lord Grenville avait de la hauteur et de la sécheresse, il s’entendait peu à se faire et à garder des amis; chef d’une administration prise dans le parti qui passait pour populaire, il ne savait pas traiter avec l’opinion publique. Cependant tout indique qu’il se serait maintenu dans le parlement devant une opposition décomposée. Il songeait même à se fortifier par d’utiles alliances, celle de Canning notamment, le seul des anciens collègues de Pitt qui eût l’oreille de la chambre des communes, si tout à coup la royauté ne fût intervenue. Il est remarquable que pendant près de trente ans l’émancipation des catholi-