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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/222

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consolider ces provinces elle a renoncé depuis longtemps au système ruineux de la protection ; elle essaie aujourd’hui d’une confédération coloniale. Elle se résignera, s’il le faut, à la république indépendante ; mais de là à l’annexion il n’y aura plus qu’un pas. Le bon sens de l’Angleterre commence, je crois, à le comprendre ; il dénoue peu à peu et rompra un beau jour le lien fragile et artificiel qui la rattache à ses colonies. Le lendemain, les deux Canadas feront partie des États-Unis.

29 octobre.

Je dis adieu au Canada et à ses pompes. De Chicago, où je me dirige, je gagnerai Columbus, Cincinnati, Pittsburg, tout ce que j’ai sauté à pieds joints la dernière fois. L’élection d’ailleurs approche, et l’ouest est le pays le plus curieux à observer au moment de la lutte, parce que les partis y combattent à armes égales. On voulait m’entraîner à Ottawa, où la délégation va terminer sa promenade triomphale. Enfin me voici en route, non pas en chemin de fer (c’est demain dimanche, et tous les trains s’arrêtent à l’heure du service), mais sur le steamer de Toronto, remontant depuis trois heures d’écluse en écluse le long canal qui borde les rapides du Saint-Laurent.

Les habitans de Montréal ont offert ce matin aux délégués un banquet, suivi de longues harangues ceux-ci persistent à envelopper de mystère le résultat de leurs conférences ; ils veulent soumettre leurs résolutions à l’Angleterre avant de les rendre publiques. Leurs discours d’ailleurs respirent un royalisme irréprochable. M. Cartier, du Bas-Canada, a donné l’exemple de la courtoisie en choisissant la langue anglaise pour se mieux faire entendre de ses auditeurs ; il a été jusqu’à dire que les Canadiens dès l’origine avaient compris combien étaient creuses les institutions purement démocratiques[1], et qu’aujourd’hui, bien loin de se démentir, ils souhaitaient plutôt d’augmenter la prérogative royale.

Après le succès de la conférence, le grand événement du jour est le raid des confédérés dans l’état de Vermont. Vous avez sans doute entendu parler de cette curieuse expédition, à laquelle les Américains accusent le Canada d’avoir prêté aide, mais qui semblait n’être au fond que le coup de main hardi d’une poignée de brigands. Il y a peu de semaines, le village paisible de Saint-Albans, dans l’état de Vermont, était réveillé la nuit par un bruit de guerre. Une bande d’hommes armés avaient envahi les rues, forcé la porte de la banque, tué le gardien qui tentait de la défendre, volé l’argent, les chevaux, et mis le feu aux maisons. Le lende-

  1. The hollowness of purely democratic institutions. »