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publièrent le résultat de leurs recherches et se mirent à la tête de l’agitation. Ce qu’accomplit l’énergie individuelle dans ces circons1ances est vraiment prodigieux. M. Henry Barnard, chargé par l’état de Rhode-Island de préparer les réformes, a fait connaître dans son rapport officiel le travail préliminaire auquel il s’est livré. Nous y voyons qu’il visita deux fois toutes les communes de l’état, qu’il interrogea plus de 400 instituteurs sur leurs méthodes d’enseignement, et qu’il examina les élèves de toutes les écoles. En outre il adressa plus de mille lettrés aux personnes le plus à même de lui suggérer des idées utiles. Dans chaque commune, il convoqua un meeting pour discuter la question avec les électeurs et les maîtres d’école. Il donna plus de cinq cents conférences (lectures) sur la matière, et organisa partout des comités locaux destinés à maintenir et à propager l’agitation. Il fonda un journal dont les exemplaires étaient distribués gratuitement et répandus dans le public. Ce n’est qu’après cet immense labeur préparatoire, après s’être éclairé ainsi lui-même par la discussion publique, et surtout après avoir éclairé le peuple, qu’il proposa les réformes qui furent adoptées par la législature de Rhode-Island[1]. Dans les autres états, même dans ceux de l’ouest, comme l’Ohio et le Michigan, il se produisit un mouvement semblable. On parvint à établir partout une organisation à peu près pareille, qu’on s’efforce encore à l’envi d’améliorer chaque année.

En Europe, on procède d’une manière différente, Le gouvernement nomme une commission; cette commission travaille en silence; rien ne perce de ses vues, c’est un secret d’état, Enfin, après bien des années de préparation mystérieuse, une loi est promulguée; elle est excellente peut-être, mais elle ne produit guère de fruits, parce que l’opinion n’y est point préparée. En fait d’instruction publique, toute législation qui n’est pas soutenue par l’assentiment des citoyens est de nul effet.

Comme le gouvernement fédéral n’a pas à s’occuper de l’instruction, l’organisation de l’enseignement diffère dans chacun des trente-cinq états. Cependant les principes généraux sont les mêmes dans tous les états qui n’avaient pas d’esclaves, d’abord parce qu’ils reposent sur un fonds commun d’institutions semblables et de mœurs identiques, ensuite parce que tous imitent bientôt ce qu’ils voient de bon chez leurs voisins. La liberté locale amène ici une similitude réelle et vivante qui vaut bien l’uniformité apparente et morte qu’im-

  1. Ces détails sont empruntés à l’excellent ouvrage sur l’instruction aux États-Unis publié en suédois par M. P. A. Siljeström et traduit en anglais par Frederica Rowan. C’est le meilleur livre que j’aie lu sur la matière il est clair, complet et impartial. Les faits sont bien observés et parfaitement mis en lumière.