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l’instruction supérieure qu’elles y ont acquises, les préparent admirablement au rôle de mère de famille. En élevant les enfans des autres d’abord, elles apprennent à élever plus tard les leurs. Il est facile de comprendre l’immense influence que ce sévère noviciat des jeunes filles exerce sur la culture intellectuelle du peuple. Partout où pénètre l’action d’une de ces anciennes institutrices, l’ignorance est définitivement bannie.

Les impressions persistantes de l’école sont aussi pour beaucoup dans ce respect sérieux et profond qui entoure partout la femme aux États-Unis au point d’étonner et même d’excéder l’étranger. Les jeunes gens sont habitués à s’incliner sous l’autorité des femmes qui les instruisent elles sont habituées, elles, à s’en faire obéir. De là naît chez les uns un sentiment de déférence, chez les autres une confiance en soi, une assurance qui commande les égards et protège l’innocence. La femme est aussi d’ordinaire plus instruite que l’homme, parce que celui-ci se lance très jeune à la poursuite de la fortune, tandis que celle-là, dégagée de tout souci de ce genre, peut s’appliquer à la culture de son esprit. En Europe, une école de garçons dirigée par une femme serait déconsidérée, et aucun père, assure-t-on, n’y enverrait ses fils. Cependant il ne serait peut-être pas impossible de réagir contre ce préjugé et d’imiter en ceci l’Amérique. Le dernier rapport de M. Natoli sur l’instruction primaire en Italie nous apprend qu’à Milan on l’a essayé avec un plein succès. On a constaté, comme aux États-Unis, que les maîtresses faisaient faire aux élèves des progrès beaucoup plus rapides. En outre, pour le salaire malheureusement trop minime que les communes accordent aux instituteurs, elles ne peuvent conserver que des sujets généralement médiocres, tandis que pour la même somme elles obtiennent des institutrices bien plus capables. Le rapport italien fait ressortir un autre avantage de cette combinaison elle permet, dit-il, de remplacer les maîtres ecclésiastiques par des maîtresses laïques, sans augmenter la dépense, ce qui est la pierre d’achoppement dans les communes pauvres.

Chose plus étrange encore que toutes celles qui précèdent aux États-Unis, l’instituteur ou l’institutrice n’est nommé que pour un an dans les villes et pour six mois (a term) dans les campagnes. Sans doute, au bout de ce temps, tout le personnel n’est pas renouvelé les maîtres capables sont maintenus, et comme dans les villes ils touchent des appointemens très élevés<ref> Dans les villes, l’instituteur en chef touche au moins 5,000 fr. A New-York, son traitement monte à 1,500 dollars (7,750 fr.), et celui du sous-instituteur à 1,000 dollars. A la campagne, dans le Massachusetts, le salaire des instituteurs est de 250 fr. par mois et celui des institutrices de 115 fr. Dans les autres états, le salaire des institutrices est à peu près le même ; celui des instituteurs est moins élevé, sauf en Californie, où il est de plus de 500 fr. par mois.<ref>, ils restent souvent