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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/295

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ditions ou faire vos réserves; donc vous aboutissez à un concordat, et si le prêtre se retire, il tue l’école, D’ailleurs, en agissant ainsi, vous violez l’égalité des cultes. L’enseignement public est entretenu au moyen des taxes levées sur tous les citoyens; or si l’école favorise l’un ou l’autre culte, vous lésez tous les autres, car vous faites servir leur argent à propager ce qui est, suivant eux, une mortelle erreur. N’y eût-il qu’un croyant qui protestât, il faut respecter son opposition, car toute contrainte en matière de conscience est odieuse. En outre il est de l’intérêt de la religion qu’elle soit enseignée à l’église et non à l’école. Les leçons de religion succédant aux autres leçons sont traitées de la même façon. Elles se transforment en une tâche qui souvent inspire l’ennui et non le respect. Les maîtres eux-mêmes n’y font nulle différence, et fréquemment l’élève récite ce qu’il a appris par cœur avec des signes non équivoques de lassitude. Il faut n’avoir jamais assisté à une leçon de catéchisme dans une école primaire pour croire que cet exercice de mémoire puisse inculquer des sentimens religieux dans le cœur de la jeunesse. Données par le prêtre et dans l’église, les leçons de religion participent du caractère sacré de l’un et de l’autre. Elles se gravent dans l’esprit de l’enfant avec toute l’autorité du culte même, dont en effet elles doivent faire partie.

Mais, dira-t-on, toute école d’où l’enseignement de la religion est exclu est une école antireligieuse. Non, répondent les Américains, une école d’agriculture, une école d’arts et métiers, une université, ne sont pas antireligieuses parce qu’elles n’ont pas de chaire où l’on enseigne le dogme; ce n’est point leur objet. De même nos écoles primaires ont pour but d’apprendre aux enfans à lire et à écrire. C’est par respect pour la liberté de conscience et pour la dignité des cultes que nous ne voulons point mêler leur enseignement avec les études ordinaires, et que nous le réservons aux familles et aux pasteurs qu’elles choisissent librement.

Les Américains craignent tellement de donner à l’instruction du peuple ce qu’ils appellent une tendance sectaire (sectarian), c’est-à-dire la marque d’une religion positive quelconque, que la loi a formellement exclu tout ministre du culte, à quelque dénomination qu’il appartienne, de tous les comités locaux et autres qui dirigent ou inspectent les écoles entretenues par l’état. Tous les partis, toutes les sectes approuvent ce système, sauf les catholiques. Quoiqu’ils l’aient accepté et même réclamé en Irlande et en Hollande, où il est également appliqué, ils le combattent depuis quelques années aux États-Unis; leurs prêtres s’effraient des résultats ils croient s’apercevoir qu’un culte qui a pour base l’obéissance passive aux décrets d’un souverain pontife résidant bien loin au-delà de l’Atlan-